Les Amours qui ont fait la France
parvint sans difficulté à faire proclamer la déchéance d’Édouard II qui fut enfermé à la Tour de Londres.
La politique n’étant qu’une suite de hauts et de bas, Isabelle craignit que le prisonnier ne parvînt, un jour, avec l’appui de quelques amis, à soulever la foule en sa faveur. Elle décida donc de le faire tuer. Un soir de 1327, quelques hommes pénétrèrent dans la cellule où se trouvait Édouard II, se saisirent de lui, le déshabillèrent et lui enfoncèrent dans le fondement un fer chauffé au rouge. Le pauvre roi, atteint au centre de sa sensibilité, mourut dans les douleurs qu’on imagine.
À partir de ce jour, et jusqu’à la majorité d’Édouard III, Isabelle régna sur l’Angleterre avec son amant [98] .
Charles IV avait assisté avec joie aux malheurs du roi d’Angleterre. Sans doute pensait-il pouvoir en tirer profit. Il n’en eut pas le temps. Le 31 janvier 1328 il mourait subitement à l’âge de trente-quatre ans.
Comme il ne laissait que des filles, sa mort posait un problème extrêmement important ; avec lui, en effet, s’éteignait la lignée des Capétiens directs qui régnaient sur la France depuis trois cent quarante et un ans.
Qui allait lui succéder ?
Philippe, comte de Valois, cousin germain de Charles IV et premier prince du sang, se présenta et fut proclamé roi de France. Le 29 mai 1328, il se faisait sacrer en grande pompe à Reims avec sa femme Jeanne de Bourgogne, propre sœur de la malheureuse Marguerite morte étranglée à Château-Gaillard.
La félicité des nouveaux souverains fut bientôt troublée par une réclamation provenant de Londres : le jeune Édouard III, en effet, revendiquait la couronne de France. Il soutenait, avec quelque logique, qu’il était plus proche parent du roi défunt que Philippe de Valois, donc héritier indiscutable du trône.
Ses prétentions, qu’il avait fait connaître dès la mort de Charles IV, semblaient des plus fondées, puisqu’il était neveu, par sa mère (la reine Isabelle), du dernier Capétien, alors que Philippe n’était que cousin germain de celui-ci.
Toutefois, Édouard était héritier par les femmes, alors que Philippe l’était par les hommes. Dès lors, une question se posait : les femmes pouvaient-elles transmettre des droits successoraux qu’elles n’avaient pas ?
Les grands, réunis au Palais en assemblée extraordinaire, répondirent négativement et confirmèrent la loi salique « modifiée » à la mort de Louis X.
On se doute bien que ce n’était pas une décision de ce genre qui pouvait faire renoncer Édouard III à ses prétentions. Sûr de son droit, il se prépara lentement et avec beaucoup de soin à venir prendre le trône de France par les armes.
Dix ans plus tard, en 1338, il était prêt. En juillet, il franchit le pas de Calais avec deux cents nefs, débarqua à Middlebourg, puis passa à Gand. Quelques semaines plus tard, Le Tréport et Boulogne étaient saccagés sans merci.
La guerre de Cent Ans était commencée !
Pendant plus d’un siècle, deux peuples allaient s’entre-tuer parce qu’une princesse s’était montrée trop galante ou trop frivole.
En effet, si la loi salique n’avait pas été exhumée à la suite des débauches de Marguerite de Bourgogne, pour empêcher de régner la petite princesse Jeanne, la lignée des Capétiens directs ne se serait pas éteinte avec Charles IV et jamais les rois anglais n’eussent songé à revendiquer la couronne de France…
19
Le roi de France épouse la fiancée de son fils
Il n’y a de bonheur que dans la famille.
M me de Girardin
Après leur coup de force de 1339, les Anglais rentrèrent chez eux, et Édouard III, dans la joie de la victoire, annonça à son peuple qu’il envahirait la France avec une immense armée pour la Saint-Jean suivante. Cette nouvelle ne fit pas plaisir à Philippe VI de Valois qui se mit à organiser, de son côté, une invasion de l’Angleterre.
L’entreprise n’était pas insensée, mais, pour la mener à bien, il eût fallu un homme plus énergique, plus habile et peut-être aussi plus intelligent que le roi de France. Celui-ci commença par commettre une erreur dont on parle encore : il nomma à la tête de sa flotte un amiral qui offrait cette particularité étonnante de n’avoir jamais navigué.
Puis il négligea, par orgueil ou par légèreté, d’utiliser les renseignements qu’il possédait sur l’armée
Weitere Kostenlose Bücher