Les Amours qui ont fait la France
plus tard, le jeune roi reçut les confidences d’un de ses conseillers qui était bourrelé de remords. Celui-ci lui apprit qu’Enguerrand de Marigny avait été victime d’une intrigue et condamné à tort.
Louis le Hutin, qui était bon, fut sincèrement désolé. Sans hésiter, il fit nommer une commission chargée d’examiner les comptes de l’infortuné ministre. Cette initiative, prise malheureusement un peu tard, permit de constater que le déficit du Trésor venait des dépenses royales et que l’intégrité d’Enguerrand ne pouvait être mise en doute. Le roi réhabilita la mémoire du supplicié et rendit à ses enfants une partie (mais une partie seulement) de la fortune dont il s’était emparé.
Et, de nouveau, il fut très ennuyé, car les finances de l’État se retrouvaient presque aussi mal en point qu’avant l’arrestation d’Enguerrand.
Il eut alors une idée, et il se mit à la recherche d’une princesse riche, dans l’espoir que celle-ci pourrait assumer les frais du mariage grandiose qu’il avait toujours en vue.
Une héritière bien dotée lui fut signalée. Elle s’appelait Clémence de Hongrie. On le prévint qu’elle n’était pas d’une beauté remarquable et que certains la trouvaient même assez laide ; mais Louis sut ne pas faire le difficile et l’envoya chercher à Naples où elle habitait avec son père.
Au début de juillet, Clémence, ravie d’avoir trouvé un mari, s’embarqua en grande pompe à destination de la France.
Hélas ! le bateau qui la portait fut pris dans une tempête épouvantable et fit naufrage. Grâce au sang-froid du chevalier de Bouville, la princesse put regagner la terre à bord d’une barque ; mais les coffres qui contenaient sa dot, ses bijoux et ses robes sombrèrent avec le navire.
Cette nouvelle accabla le pauvre Louis le Hutin.
Beau joueur, il reçut pourtant sa fiancée avec beaucoup de gentillesse, et le mariage eut lieu le 19 août 1315, dans la plus grande simplicité…
Après quoi, pour remplacer la dot perdue en mer, le roi décida de faire payer aux juifs le droit de résider en France : ce qui emplit rapidement les caisses du Trésor.
L’union de Louis et de Clémence ne devait pas être longue. L’année suivante, au mois de juin, le roi, qui avait conservé l’habitude de jouer à la paume, fit une longue partie au cours de laquelle il s’échauffa. Pour se rafraîchir, il descendit dans une cave et but un pichet de vin frais. Il fut saisi immédiatement d’un violent frisson. Le soir, il se mit au lit avec de la fièvre. Trois jours après, il était mort.
Le jeune roi ne laissait pas de fils, mais Clémence était enceinte de quatre mois. Alors, Philippe, comte de Bourgogne, frère de Louis le Hutin, convoqua les grands du royaume en une assemblée qui eut lieu au Palais de la Cité, le 16 juillet 1316, et où il fut décidé que la régence lui serait confiée jusqu’à ce que l’héritier royal ait atteint sa vingt-quatrième année. (Car personne ne doutait de la naissance d’un héritier mâle.)
Le 14 novembre 1316, la reine mit au monde un garçon qui fut prénommé Jean, et aussitôt proclamé roi sous le nom de Jean I er . Il ne vécut que cinq jours. Porté à Saint-Denis entre deux haies de torches retournées, il fut enterré après que l’armée eut crié trois fois : « Le roi est mort ! » Le lendemain, Clémence de Hongrie, folle de douleur, se retirait dans un couvent de Provence [95] …
Sans perdre de temps, le régent, fort de la décision qui avait été prise à son sujet lors de l’assemblée du 16 juillet, fit savoir aux grands du royaume que son couronnement aurait lieu à Reims, le 9 janvier suivant…
Cette décision hâtive provoqua une grande émotion dans Paris. Quantité de princes et de hauts dignitaires de l’Église s’élevèrent contre les prétentions de Philippe et lui rappelèrent que Louis X avait eu de sa première femme, Marguerite de Bourgogne, une fille prénommée Jeanne qui avait six ans.
— Cette princesse est « droite héritière du feu roi Louis », dirent-ils. Elle doit régner !
Et ils sommèrent l’archevêque de Reims de ne point procéder au sacre du régent. Le prélat ne se laissa pas intimider. Le 9 janvier, les portes de la ville étant fermées et gardées, le sacre fut célébré sous la protection d’hommes d’armes.
La cérémonie ne se déroula pas, pour autant, sans incident. Au moment où l’on
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