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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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fit l’appel des pairs, la vieille duchesse de Bourgogne, Agnès de France, propre fille de Saint Louis et mère de Marguerite de Bourgogne, s’avança au milieu de l’assemblée et, s’adressant avec autorité aux prélats et pairs présents, leur demanda de différer le couronnement tant que les droits de sa petite-fille Jeanne ne seraient pas reconnus.
    Personne ne lui répondit, et la cérémonie suivit son cours…
     
    Après avoir été sacré, Philippe V, tourmenté par quelques scrupules tardifs – ou quelques craintes –, voulut faire ratifier son coup de force par la nation. Il convoqua les états généraux à Paris pour le 2 février 1317.
    Au cours de cette réunion extraordinaire, un débat s’engagea sur la question suivante : une femme pouvait-elle monter sur le trône de France ?
    En effet, bien que Philippe eût placé les grands devant le fait accompli, les droits de Jeanne devaient être étudiés. Sa qualité de seule héritière du trône de France posait un problème nouveau et fort embarrassant. Depuis Hugues Capet, jamais l’occasion de débattre de l’admissibilité des femmes à la couronne ne s’était présentée, tous les rois ayant eu des héritiers mâles. Circonstance qui n’empêchait pas, bien entendu, les femmes de s’occuper de politique. De nombreuses grandes dames – parfois très jeunes – étaient seigneurs de fiefs, gouvernaient des comtés, des duchés, figuraient parmi les pairs de France et prenaient une part importante à la direction de l’État. Certaines avaient même détenu des couronnes : les reines de Navarre, par exemple. Rien n’empêchait donc Jeanne de monter sur le trône.
    Philippe le savait. Aussi utilisa-t-il contre la petite princesse l’arme juridique la plus terrible qui fût : il mit en doute sa légitimité  ; ses arguments étaient d’ailleurs valables, car, en raison des adultères de Marguerite de Bourgogne, on pouvait se demander si Jeanne était bien la fille de Louis X.
    Alors, nous dit un chroniqueur, « les grands approuvèrent tous le couronnement du roi Philippe et jurèrent de lui obéir comme à leur roi et après lui à son fils aîné Loys [96]  ».
    Toutefois, il apparut difficile à Philippe V d’annoncer au royaume, à l’Europe, au monde, qu’il devenait roi parce que Marguerite de Bourgogne avait eu la cuisse légère. Il y a des choses que les chefs d’État préfèrent garder pour eux. L’assemblée partagea d’ailleurs l’opinion du nouveau souverain et décida de faire étudier les anciens textes dans l’espoir d’y trouver une phrase capable de justifier honnêtement l’élimination de la petite Jeanne. C’est ainsi qu’un légiste particulièrement rusé eut l’idée d’invoquer la vieille loi salique, que tout le monde avait oubliée. Ce code, qui avait été rédigé vers 420 par les Francs Saliens, comportait effectivement un article précisant que la terre ne pouvait être héritée que par les mâles. Il suffisait de transporter ce principe du domaine civil au domaine politique, ce qui ne s’était jamais fait jusque-là, pour justifier l’accession au trône de Philippe V. Les légistes, ravis de leur découverte, ne s’embarrassèrent d’aucun scrupule et, d’un trait de plume, exclurent définitivement les femmes du droit à la couronne de France.
    C’est ainsi que le comportement de Marguerite de Bourgogne, en faisant douter de la légitimité de sa fille, permit l’institution d’une des lois fondamentales de la monarchie française.

18
    Une femme est à l’origine de la guerre de Cent Ans…
    C’est au beau sexe que nous sommes
    redevables de toutes les vertus.
     
    G. Agrippa
     
    Le 3 janvier 1322, Philippe V, qui n’avait que vingt-huit ans, mourut subitement à Long-Champ, emporté par une fièvre quarte. Lorsque son corps eut été mené à Saint-Denis, son cœur aux Cordeliers, et ses entrailles aux Jacobins, la reine Jeanne se trouva bien seule. Fort affligée, elle quitta le Louvre, décidée à vivre loin du bruit, des intrigues et des calomnies, et s’installa à l’hôtel de Nesle.
    Idée curieuse, en vérité, qui autorisait mille suppositions que le peuple, toujours disposé à rire de ses princes, ne manqua pas de faire.
    — Elle va reprendre la vie galante qu’elle menait naguère avec la reine Marguerite, disait-on.
    Mais tout le monde s’accordait à trouver qu’il fallait une certaine hardiesse et un grand mépris des convenances

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