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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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qu’un maudit bleu, confirma Henri Delisle en visant le
crachoir placé près de ses pieds. Je pense que Meighen était aussi pire que
Borden. Une chance que ce sont les rouges qui mènent à Québec.
    – Quand King
a pris la place de Laurier à Ottawa, après sa mort, il y a trois ans, je savais
ben que ça se replacerait, fit Eugène. Les libéraux, eux autres, savent comment
mener ça, un pays.
    – C’est juste
de valeur que Lomer Gouin se soit fait voler sa job par Ernest Lapointe au
fédéral, fit Henri Delisle. Il aurait fait un maudit bon homme pour King dans
la province.
    – Ouais, peut-être,
reconnut avec réticence Constant Gélinas. En tout cas, moi, je l’ai pas trouvé
brillant de laisser sa place de premier ministre de la province à son gendre, Taschereau,
pour essayer d’aller se faire élire à Ottawa.
    – En tout cas,
Taschereau a promis des élections cette année. On va ben voir ce qu’il est
capable de faire.
    – Moi, j’haïs
les conservateurs à m’en confesser, intervint Conrad Durand, un autre frère de
l’hôtesse. Mais il y a des fois où les libéraux me tapent sur les nerfs. OK, en
19, ils ont ouvert le pont de Québec et l’année d’après, ils ont fondé l’Université
de Montréal.
    – C’est vrai,
reconnurent les autres.
    – Mais c’est
tout de même eux autres qui ont inventé la Commission des liqueurs.
    – C’était
pour empêcher la contrebande, Conrad, dit Giguère.
    – Fais-moi
pas rire, toi, s’emporta le petit homme noueux. Tout le monde sait ben que c’est
pour venir chercher encore des taxes dans nos poches. On est pas des nonos. En
plus, les licences des tavernes, ça va être pour les amis. En tout cas, qu’il
le veuille ou pas, il va ben falloir que Taschereau fasse des élections un de
ces jours. C’est ben beau qu’il ait pris la place de son beau-père, mais Lomer
Gouin, c’est pas Dieu le Père. On est pas obligés de voter pour Taschereau et…
    À
ce moment-là, la porte de la cuisine s’ouvrit pour livrer passage à un couple
de quadragénaires engoncés dans de gros manteaux de chat sauvage. Ils étaient
précédés par une jeune fille qui jetait des regards un peu affolés sur tous ces
gens rassemblés dans la pièce surchauffée. Le violon se tut et le niveau sonore
dans la cuisine baissa brusquement.
    – Je vous
emmène de la belle visite, clama le jeune homme au visage rougi par le froid, et
qui poussa un peu le petit groupe devant lui pour être en mesure de fermer la
porte de la maison.
    Etienne
Delisle s’éxécuta et, en un instant, le trio fut cerné par les invités. Hervé Durand
retira de sa bouche le gros cigare malodorant qu’il fumait pour saluer à la
ronde tous les gens présents. Les nouveaux arrivants furent dépouillés en un
clin d’œil de leurs encombrants manteaux et on procéda aux présentations dès
que le visiteur eut terminé d’embrasser ses sœurs, ses belles-sœurs et ses
nièces.
    – Je vous
présente ma femme, Daisy, et ma fille, Elisa. Elles parlent pas un mot de
français, ni l’une ni l’autre, ajouta l’homme avec une sorte de fierté.
    Les
deux femmes adressèrent un sourire contraint aux gens présents, se contentant
de tendre une main réticente à ceux qui s’approchaient d’elles pour leur
souhaiter une bonne année. Pendant que les hommes entraînaient Hervé Durand
dans le salon, l’hôtesse voulut confier l’adolescente à ses deux filles et à
leurs cousines, mais celle-ci se contenta de faire des signes de dénégation de
la tête et s’assit auprès de sa mère, dans la cuisine.
    Daisy Durand et sa
fille avaient un air emprunté et un peu hautain. L’une et l’autre ne firent pas
un geste pour tenter de faire comprendre qu’elles étaient heureuses d’être
reçues dans une famille canadienne-française. À toutes
les tentatives de les faire participer à la fête, elles se contentaient de
chuchoter entre elles en gloussant. Évidemment, la bonne volonté des invités s’émoussa
très rapidement et on finit par les laisser tranquilles.
    Après quelques
essais infructueux d’entrer en communication avec sa belle-sœur américaine, Thérèse
avait quitté la cuisine en compagnie de sa sœur Louisette pour venir s’asseoir
près de son frère Hervé dans le salon, dans l’intention d’en apprendre un peu
plus sur sa vie aux États-Unis. Au moins, lui, il parlait français.
    – Où est-ce
que tu restes ? demanda Henri Delisle à son invité.
    – À

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