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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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veut être sûr que ben du monde ira pas voter à cause du froid ou de la
neige ? Ce serait ben assez croche pour qu’il y ait pensé.
    – Ceux qui
iront pas voter sont pas juste des bleus, raisonna l’organisateur. Il y a aussi
des rouges qui iront pas. En tout cas, si t’as une chance de venir entendre Taschereau,
à Sorel, dimanche, viens. On va le brasser. Je te dis que ça va être tout un show !
    – C’est ben
trop loin, dit Ernest à regret.
    – Dans ce
cas-là, tu vas voir arriver notre poulain dans une dizaine de jours dans votre
paroisse.
    – Qui va se
présenter pour nous autres dans le comté ?
    – Joseph
Rouleau. Un ben bon candidat. Tu vas voir qu’avec lui, Joyal aura pas une
chance de se faire réélire. Son chien est mort en partant.
    – Tant mieux,
s’écria le cultivateur avec enthousiasme. Ça fait une éternité que les rouges
sont au pouvoir à Québec, il est temps que cette clique-là disparaisse.
    – Je
suis déjà en train d’essayer d’organiser une assemblée contradictoire entre lui
et Joseph Rouleau. Ça se peut qu’on fasse l’assemblée à Saint-Gérard, et ça, c’est
tout proche de ch ez
vous . C’est important. Je
compte encore sur toi pour m’amener du monde.
    – Tu peux
être sûr que je vais faire mon possible, promit Ernest. J’espère que notre
candidat va parler du pont qu’on attend depuis une éternité. Joyal l’a promis
aux dernières élections et il s’est rien passé. Si Rouleau veut que les gens de
Saint-Jacques votent pour lui, il est mieux de s’arranger pour nous le garantir,
ce pont-là, et pas pour la semaine des quatre jeudis.
    – Inquiète-toi
pas pour ça. On en a parlé. Non seulement il va le promettre, votre pont, mais
il va vous le faire construire aussitôt que les bleus vont être au pouvoir.
    Durant
tout le trajet de retour à Saint-Jacques-de-la-Rive, Ernest Veilleux ne cessa
de se moquer de Louis-Alexandre Taschereau pour avoir eu l’étrange idée de
déclencher des élections en plein hiver. Sans l’avouer ouvertement, il n’appréciait
pas une campagne électorale hivernale parce qu’il craignait que la mauvaise
température le prive des grandes assemblées politiques bien arrosées. Il n’y a
rien qu’il appréciait autant que les confrontations entre les grands ténors du
parti. Pour ces élections-ci, avec un peu de chance, il n’aurait probablement à
se mettre sous la dent qu’une ou deux assemblées de cuisine où Joseph Rouleau
tenterait de convraincre quelques habitants de Saint-Jacques de voter pour lui
comme député de Nicolet.
    –  À moins que
le gros Dufresne parvienne à organiser son assemblée contradictoire, grogna-t-il
à haute voix. Ça, au moins, ce serait du sport !
    – Qu’est-ce
que vous dites, p’ pa ? demanda Jérôme, silencieux
depuis leur départ de Pierreville.
    – Rien, répondit
son père, mécontent d’être dérangé dans ses réflexions.
    Cet après-midi-là, Bruno Pierri arriva chez les Tremblay, porteur d’un
gros plat recouvert d’un linge blanc.
    Depuis une semaine,
le cultivateur d’origine italienne allait bûcher tous les jours avec Eugène et
ses deux fils. La ferme achetée aux Dumoulin deux ans auparavant avait bien une
« terre à bois », mais son boisé ne contenait pratiquement aucun
arbre mature. Eugène Tremblay lui avait proposé à la fin de l’automne de venir
bûcher sur sa terre en échange d’un nombre respectable de cordes de bois de
chauffage, ce que l’autre s’était empressé d’accepter avec reconnaissance.
    Par ailleurs, Maria
Pierri s’était beaucoup rapprochée de Thérèse depuis que les deux femmes
avaient uni leurs efforts pour aider Rita Hamel lors de son accouchement. L’épouse
d’Eugène était même allée expliquer à sa voisine quelques jours auparavant
comment tresser une Catalogne et cuisiner une tarte à la farlouche. Maria lui
avait alors promis de lui faire goûter aux pâtes de son pays qu’elle fabriquait
elle-même.
    – Veux-tu ben
me dire ce que tu nous apportes là, Bruno ? demanda Thérèse à la vue du
plat que l’homme de petite taille lui tendait avec un grand sourire.
    – Des pâtes
de ma Maria, madame Tremblay, répondit l’homme en regroupant ses doigts à la
hauteur de sa bouche. Vous allez voir, c’est delicioso ! Il y a
rien de meilleur que des pâtes. Elle les a faites ce matin.
    – Voyons donc !
Elle m’en a envoyé bien trop ! protesta l’épouse d’Eugène.

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