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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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des lunes. Dans la salle, cer-tains
esprits commençaient à s’échauffer au point qu’on en vint finalement aux coups
entre les partisans des deux clans . Il
fallut séparer et expulser les belligérants.
    Profitant d’une
accalmie, Wilfrid Giguère demanda ce qui allait advenir du pont qu’on
promettait à Saint-Jacques-de-la-Rive depuis près de vingt ans. Joyal et Rouleau
s’engagèrent solennellement à le faire construire s’ils étaient élus la semaine
suivante. Le maire Carrier fronça les sourcils en entendant cette promesse, probablement
parce qu’on lui avait fait la même pour Saint-Gérard. Si le maire Frenette de
Sainte-Monique avait été présent, il aurait eu une attaque, lui à qui on avait
juré que sa municipalité aurait le pont.
    Au moment de
quitter la réunion, à la fin de l’après-midi, Ernest Veilleux, la mine sombre, ne
put s’empêcher de dire à Georges Hamel :
    – Ça regarde
ben mal. Il faut pas se raconter des peurs ; les rouges vont encore
rentrer sans problème la semaine prochaine. Je pense qu’on parviendra jamais à
se débarrasser de cette maudite bande de voleurs. Ils ont l’assiette au beurre
et ils veulent pas la lâcher, sacrement ! Au fond, on pourrait rester les
pieds sur la tablette du poêle mardi prochain au lieu d’aller voter, et ça
changerait rien.
    De fait, le mardi
suivant, les libéraux de Louis-Alexandre Taschereau se firent élire au Québec
avec l’une des plus fortes majorités jamais enregistrées dans la province. Celui
qui avait demandé un mandat clair pour gouverner pouvait maintenant se mettre
réellement au travail. Dorénavant, il aurait plein pouvoir pour éliminer les
dernières cicatrices laissées par la crise économique des dernières années.
    Le soir de la
victoire libérale, les partisans de Saint-Jacques-de-la-Rive bravèrent le froid
pour participer à un défilé triomphal qui sillonna chaque rang de la paroisse, autant
pour célébrer que pour narguer les perdants.
    Évidemment, le
bruyant cortège s’arrêta devant la maison d’Ernest Veilleux. Les vainqueurs
étaient déchaînés. Frappant sur de vieux chaudrons et soufflant dans des
trompettes, ils offrirent au représentant des bleus de la paroisse un véritable
charivari, comme le voulait la tradition. Réveillé en sursaut, le cultivateur s’était
levé dans le noir et avait soulevé un coin du rideau qui masquait la fenêtre de
sa chambre à coucher.
    – Qu’est-ce
qui se passe ? demanda Yvette, demeurée dans le lit.
    – Qu’est-ce
que tu penses ? demanda son mari avec humeur. Ce sont les maudits rouges
qui s’énervent parce que Joyal est rentré. Mais je t’avertis que si j’en pogne
un seul qui a le front de monter sur mon balcon, je vais lui faire regretter d’être
venu au monde.
    – Calme-toi
donc, Ernest, lui conseilla sa femme. C’est pas la première fois que tu perds
tes élections. Le soleil va se lever pareil demain matin.
    – Je le sais,
torrieu ! Mais écoute ben ce que je te dis là. Ils ont voulu réélire Joyal,
dit son mari avec rage, mais on va ben voir s’il va faire quelque chose avec le
pont. Je suis sûr qu’il va encore disparaître comme la dernière fois et on entendra
plus parler de rien.

Chapitre 18
Le drame
    Le
premier vendredi de mars, Ernest Veilleux voulut faire plaisir à sa femme en
lui proposant, après le souper, de l’amener veiller chez sa cousine Berthe, à
Pierreville.
    – Si on part
tout de suite, précisa-t-il, on pourrait revenir à une heure qui aurait de l’allure.
    – On y va
tout seuls ?
    – On peut ben
amener Céline, suggéra Ernest. Je pense que ça fait un mois qu’elle a pas mis
le nez dehors.
    – C’est ça, et
c’est moi qui vais être obligée de garder les petits, se plaignit Anne.
    – Aie, les
petits ! Il faut pas exagérer, répliqua Jérôme qui, à quinze ans, la dépassait
d’une demi-tête.
    – C’est pas
de toi que je parlais, niaiseux, le rembarra l’adolescente de dix-sept ans mise
de mauvaise humeur par la nouvelle. Je parlais d’Adrien, de Léo et de Jean-Paul.
    – On est
capables de se garder tout seuls, la grosse, répondirent ses jeunes frères.
    Le
visage rond de la jeune fille blêmit sous l’insulte. Rien ne la mortifiait autant
que de se faire taquiner sur son embonpoint. Avant qu’une dispute n’éclate
entre les trois garçons et leur sœur, Yvette Veilleux intervint.
    – Vous trois,
on vous demande pas votre avis, fit-elle sur un

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