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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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ton qui ne souffrait aucune
contestation. Vous ferez ce que votre sœur vous dira de faire, vous m’entendez.
Si vous écoutez pas, c’est à votre père que vous allez avoir affaire quand on
va revenir.
    Cette
simple menace fit disparaître toute velléité de rébellion chez les plus jeunes
de la famille. Un peu avant sept heures, Ernest alla atteler le berlot puis
Yvette et Céline, chaudement emmitouflées, prirent place dans la voiture. Tous
les trois quittèrent la maison, heureux de s’offrir une sortie.
    Moins d’une heure
plus tard, Léo et Jean-Paul profitèrent de la courte absence de leur gardienne,
partie chercher de la laine dans sa chambre à coucher, à l’étage. Ils se
glissèrent dans le salon, une pièce habituellement fermée durant la semaine et
réservée uniquement, du moins depuis le jour de l’ An , aux deux visites hebdomadaires de
Clément Tremblay, le prétendant de Céline.
    – Apporte une
chandelle, on voit rien, ordonna Léo à son jeune frère.
    Le cadet prit le
bougeoir déposé en permanence sur une tablette près du poêle et alluma la
chandelle. Les deux adolescents entrèrent dans la pièce plus par désœuvrement
que dans un but précis. En passant près du piano droit installé au fond du
salon, entre deux pots de fougère, Jean-Paul effleura doucement de la main le
couvercle rabattu sur le clavier, geste qu’il ne se serait jamais permis si sa
mère avait été là.
    Le piano était la
dot d’Yvette Veilleux. Depuis le jour où on avait déposé l’instrument dans le
salon, trente et un ans auparavant, il était demeuré l’objet de la fierté de sa
propriétaire, qui en avait toujours pris un soin jaloux. Pas question que les enfants
y touchent. Elle était la seule à savoir en jouer, mis à part son aînée, Marcelle,
qui avait été assez patiente pour apprendre avant d’entrer chez les religieuses.
Bref, chez les Veilleux, il était strictement défendu de toucher à ce piano. On
n’osait même pas s’asseoir sur le banc de chêne sous le couvercle duquel
étaient soigneusement rangées les partitions. Les filles de la maison l’époussetaient
avec soin chaque semaine et voyaient à ce que le napperon déposé sur le meuble
soit bien blanc.
    Ce soir-là, poussé par on ne sait quel démon, Léo souleva le couvercle
du clavier.
    –  Ferme la
porte du salon, chuchota-t-il à son frère. On va essayer le piano de m’man.
    – Es-tu fou, toi ?
fit l’autre, épaté par l’effronterie de son aîné.
    – Énerve-toi
donc pas, répondit Léo. On lui mangera pas son piano.
    – Et Anne ?
Elle va nous entendre.
    – Mais non. Je
jouerai pas fort. Elle est encore en haut.
    Ce
disant, l’adolescent se laissa tomber sur le banc et tendit la main pour installer
le bougeoir à l’extrémité du clavier de manière à bien voir les touches
blanches et noires de l’instrument. Jean-Paul s’assit à un bout du banc, prêt à
regarder ce que son frère allait faire.
    Deux minutes plus
tard, la catastrophe se produisit sans que l’un ou l’autre des garçons puisse y
faire grand-chose. Le bougeoir bascula et tomba sur le clavier, répandant de la
cire chaude sur quelques notes en ivoire. Pire, la mèche ne s’éteignit pas sur
le coup et provoqua un petit feu qui eut tout de même le temps de noircir
quelques touches blanches. Les deux adolescents eurent beau se précipiter pour
redresser le bougeoir, le mal était déjà fait.
    – Aïe ! Regarde
ce que t’as fait ! ne put s’empêcher de s’exclamer Jean-Paul qui avait
quitté précipitamment le banc sur lequel il avait pris place un instant plus
tôt.
    Il y eut un bruit de pas dans la pièce voisine et la porte du salon s’ouvrit.
Anne apparut dans l’embrasure, une lampe à huile dans une main.
    –  Qu’est-ce
qui se passe ici ? Qu’est-ce que vous faites dans le salon ? demanda
la jeune fille en s’approchant. Vous avez pas d’affaire à entrer ici. Je peux
pas vous laisser une minute tout seuls sans que vous fassiez des niaiseries.
    – Énerve-toi
pas, on faisait rien de mal, se défendit Léo.
    – En plus, vous
avez touché au piano de m’man ! s’écria la jeune fille. Attendez qu’elle
apprenne ça ! ajouta-t-elle sur un ton menaçant.
    Léo
allait rabattre le couvercle du clavier quand quelque chose attira l’attention
de sa sœur.
    – Attends une
minute, toi, lui ordonna-t-elle en arrêtant son geste.
    – Qu’est-ce qu’il
y a, là ?
    Anne
fit deux pas de plus et

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