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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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que de lire
quand vous marchez, le tança son curé qui l’avait vu sur le point de perdre l’équilibre.
Un vicaire avec une jambe dans le plâtre est pas bien utile dans une paroisse
comme Saint-Jacques.
    Le jeune prêtre
sursauta en entendant son supérieur.
    – Oui, vous
avez raison, monsieur le curé, reconnut-il en toute humilité.
    – Pendant que
j’y pense, il y a un paquet laissé pour vous par le facteur. Il est sur la
petite table du couloir.
    – Merci, monsieur
le curé. Je le prendrai après le repas.
    – Vous avez
bien le temps de l’ouvrir avant de passer a table, lui suggéra Antoine Lussier.
On sait jamais, c’est peut-être quelque chose qui peut se gâter.
    – Ça me
surprendrait, fit le vicaire en poussant la porte de la salle à manger et en s’effaçant
pour laisser passer son supérieur devant lui.
    Mais le curé
Lussier s’était subitement arrêté.
    – Vous êtes
pas plus curieux que ça de voir ce qu’on vous a envoyé ?
    – N… non, répondit,
le jeune prêtre à la mince chevelure blonde strictement séparée par une raie.
    – En
tout cas, l’abbé, on est pas fait pareils tous les deux, rétorqua le curé Lussier,
exaspéré par l’impassibilité de son subalterne. Moi, ça me fatigue de pas
savoir ce que contient un paquet.
    Le
vicaire sembla subitement saisir le message de son curé.
    – Vous avez
probablement raison, monsieur le curé. Je ferais peut-être mieux d’ouvrir ce
paquet-là avant de dîner.
    Il
laissa passer devant lui son curé et il retourna sur ses pas pour s’emparer du
paquet qu’il apporta dans la salle à manger. Sous les yeux intéressés d’Antoine
Lussier, le vicaire déchira le papier brun qui enveloppait le tout pour mettre
à jour trois boîtes métalliques identiques d’une dizaine de pouces de côté par
moins d’un pouce d’épaisseur. Le curé, déjà assis au bout de la table, chaussa
ses lunettes pour mieux voir. Il était beaucoup plus intéressé par les trois
boîtes que par la soupière fumante que Gabrielle Paré avait déposée au centre
de la grande table de chêne quelques instants plus tôt.
    Pendant que son
supérieur examinait le contenu du paquet, Alexandre Martel lisait la brève
missive qui accompagnait l’envoi. Il replia la lettre et l’enfouit dans l’une
des poches de sa soutane avec un grand sourire avant de repousser les boîtes
sur un coin de la table. Il s’assit. Les deux ecclésiastiques récitèrent le
bénédicité.
    – Puis ?
demanda Antoine Lussier.
    – Ça vient de
mon cousin Armand. C’est un cadeau qu’il me fait.
    – Il y a quoi
dans ces boîtes-là ?
    – Des
cigarettes, monsieur le curé. Ces sont des boîtes de cent cigarettes Sweet Caporal.
    – Il est
riche, votre cousin ?
    – Non, il
travaille pour la compagnie, à Montréal. Il a pensé me faire plaisir en m’envoyant
ça.
    – Mais vous
fumez même pas !
    – Je fume pas
la pipe, mais j’ai longtemps fumé la cigarette, monsieur le curé.
    – Première
nouvelle, fit le vieux prêtre, grand fumeur de pipe.
    – Un vice
caché, précisa l’abbé Martel avec un petit rire.
    – Vous devez
avoir arrêté depuis longtemps, je vous ai jamais vu avec une cigarette, lui fit
remarquer son supérieur d’un air suspicieux.
    – Je me vois pas
traîner du papier Zig-Zag et un paquet de tabac, et me mettre à rouler une
cigarette devant les gens. Les cigarettes toutes faites coûtent trop cher, avoua
le vicaire.
    – Vous faites
bien, l’abbé, l’approuva Antoine Lussier en se servant enfin un bol de soupe. Moi,
j’ai toujours trouvé que ça faisait pas mal… pas mal efféminé de fumer une
cigarette. Un vrai homme, ça chique ou ça fume la pipe ou le cigare. En plus, la
cigarette, ça goûte rien.
    Le reste du repas se prit dans le silence. Après, les deux hommes se
dirigèrent vers le salon attenant à la salle à manger. Le curé Lussier s’empressa
d’allumer sa petite pipe recourbée pendant que son vicaire enlevait les scellés
sur l’une des boîtes et ouvrait cette dernière. L’abbé Martel souleva le fin
papier en aluminium pour découvrir deux rangées de cylindres blancs remplis de
tabac blond. Après avoir admiré le contenu de la boîte durant un court instant,
il se décida à en tirer une fine cigarette qu’il alluma avec une allumette
prise dans la boîte déposée sur une table basse. Les yeux à demi fermés, le
jeune vicaire inhala sa première bouffée avec un profond soupir

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