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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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d’être
présent à la retraite. À son avis, c’était un devoir de chrétien.
    Deux jours plus
tard, à la fin de l’après-midi, Gabrielle Paré alla accueillir à la porte du
presbytère un grand religieux portant une petite valise. Le prêtre demanda à parler
au curé Lussier. La jeune fille s’empressa d’aller prévenir le curé après avoir
fait passer le visiteur au salon et l’avoir débarrassé de son manteau et de son
chapeau.
    L’ecclésiastique
était si maigre qu’il semblait flotter dans sa soutane. Sa longue figure
ascétique était surmontée de cheveux poivre et sel coiffés au cordeau. Des
lunettes à fine monture métallique conféraient à l’ensemble de sa physionomie
un air froid et peu commode.
    – Bonjour. Je
suis Antoine Lussier, le curé de Saint-Jacques, fit-il en pénétrant dans le
salon, la main tendue et le visage éclairé par un large sourire.
    Le
prêtre se leva et serra la main du curé.
    – Père
Anatole Lelièvre. On m’a demandé de venir prêcher la retraite ch ez vous .
    – Vous êtes
le bienvenu. On vous attendait. Ma cuisinière va vous montrer votre chambre. Vous
avez amplement le temps de vous installer, nous ne soupons qu’à six heures.
    – Merci, monsieur
le curé.
    Dès
le premier soir, le curé Lussier et l’abbé Martel se rendirent compte que le
père Lelièvre était tout, sauf familier. Il regardait son entourage comme s’il
s’apprêtait à le disséquer. Froid, il semblait absolument dépourvu de tout
humour et sa seule présence dans une pièce engendrait une sorte de malaise
perceptible.
    Le lendemain, après
avoir officié la cérémonie des Cendres, Antoine Lussier et son vicaire décidèrent
de s’accorder une courte pause dans le salon avant le souper. Ils y trouvèrent
leur invité en train de lire ce qui était probablement des notes qui allaient
servir à la première rencontre de la retraite destinée aux femmes, le
lende-main soir. Antoine Lussier n’était pas particulièrement de bonne humeur
après avoir remarqué que l’assistance à l’imposition des Cendres n’était pas
aussi importante que celle des années passées.
    En mettant les pieds dans le salon, il se dirigea immédiatement vers la
boîte de Sweet Caporal et il y prit une cigarette avant de la tendre à l’abbé
Martel.
    –  Excusez-moi,
l’abbé, je fais comme si ça m’appartenait, fit le sexagénaire.
    – Je vous en
prie, monsieur le curé. J’ai laissé la boîte sur la table pour que vous vous
serviez.
    Avant
de s’allumer, le vicaire tendit la boîte au père Lelièvre qui eut une moue de
dégoût en la repoussant.
    – J’espère
que vous allez cesser de fumer pendant le carême, dit-il sèchement aux deux
prêtres. Ça devrait être votre première résolution, ajouta le dominicain, raide
comme un coup de trique.
    Le
visage du curé Lussier s’empourpra sous l’effet de la colère. Il n’était pas
prêt à recevoir des leçons d’un dominicain qu’il ne connaissait même pas la
veille. Un parfait inconnu n’allait pas venir lui dire quoi faire dans son
propre presbytère.
    – Aie, père
Lelièvre ! gronda le curé, gardez vos sermons pour mes paroissiens. C’est
pour ça qu’on vous a invité à Saint-Jacques. Quand je voudrai vos conseils, je
vous les demanderai !
    La réplique d’Antoine
Lussier avait claqué dans le salon comme un coup de fusil. Sous l’effet de la
surprise, l’abbé Martel faillit échapper la boîte de cigarettes qu’il tenait
encore dans les mains. Il s’empressa de la déposer sur la table avant d’allumer
sa première cigarette de la journée. Pour sa part, le dominicain se contenta de
hocher la tête à la fin de la réprimande du curé et il quitta la pièce après
avoir ramassé ses feuilles de notes.
    Le soir du
mercredi des Cendres, après le souper, Thérèse Tremblay fit comme chaque année :
elle s’informa auprès des siens pour connaître leur résolution du carême.
    – Mais m’man,
protesta Claire, vous trouvez pas que c’est personnel, la promesse qu’on fait
pour le carême ?
    – Je le sais,
répondit la mère de famille en adressant à son aînée un regard sévère. Si je m’informe,
ma fille, c’est pour vous rappeler à l’ordre quand vous oublierez votre
promesse.
    La
jeune femme poussa un léger soupir d’exaspération avant de répondre :
    – J’ai promis
de pas manger de sucré.
    – Et toi, Gérald ?
    – Je vais
attendre après Pâques pour commencer

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