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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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de contentement.
    –  Votre tabac
sent drôle, l’abbé, lui fît remarquer le curé Lussier en déposant sa pipe dans le cendrier posé devant lui.
Est-ce qu’il est fort ?
    – Non, monsieur
le curé. C’est un tabac pas mal doux, répondit le vicaire, trop inattentif pour
remarquer l’appel du pied de son supérieur.
    – Il brûle
pas la langue ?
    – Non.
    – Donnez-moi
donc une de vos cigarettes, l’abbé, finit par lui demander carrément son
supérieur, désireux de goûter à autre chose qu’à l’âpre tabac du pays qu’il
hachait lui-même pour sa pipe.
    – Avec
plaisir, monsieur le curé, dit le jeune prêtre plein de bonne volonté en lui
tendant la boîte de Sweet Caporal. Je vous en avais pas offert parce que je
pensais que vous préfériez la pipe.
    – C’est
vrai, mais je suis curieux de savoir quel goût ça peut avoir, avoua Antoine
Lussier en s’allumant une cigarette à son tour.
    Le
prêtre la fuma en silence, sans rien dire, jusqu’au moment où il éteignit son
mégot dans le cendrier.
    – Qu’est-ce
que vous en pensez, monsieur le curé ?
    – Bah ! C’est
pas mauvais, mais je trouve que ça a pas grand goût en comparaison avec une
bonne pipe.
    Quelques
minutes plus tard, l’abbé Martel sortit du salon, apportant avec lui deux des
boîtes de cigarettes offertes par son cousin. Il alla les déposer dans sa chambre
à coucher avant de quitter le presbytère pour sa visite hebdomadaire à l’école
du village. Il avait laissé sa troisième boîte de Sweet Caporal sur la table du
salon.
    Il fallut moins de
cinq jours pour vider cette boîte de cent cigarettes de son contenu. Comme le
vicaire n’était qu’un fumeur occasionnel, il dut se rendre à l’évidence : quelqu’un
se servait sans retenue dans sa provision de cigarettes. À moins que
la jeune servante se soit mise à fumer en cachette, la seule autre possibilité
était que son curé les appréciait de plus en plus. Pourtant, il ne se rappelait
pas l’avoir vu en fumer. Il décida d’en avoir le cœur net.
    – Monsieur le
curé, dit-il à son supérieur cet après-midi-là avec une mine de conspirateur, je
pense que l’une ou l’autre de nos servantes fume en cachette.
    – Pourquoi
dites-vous ça, l’abbé ? demanda Antoine Lussier en fermant son bréviaire.
    – Vous me
croirez pas, mais la boîte de Sweet Caporal que j’ai laissée sur la table du
salon est déjà vide et ça fait même pas cinq jours que je l’ai ouverte. J’ai dû
fumer moins d’une dizaine de cigarettes depuis ce temps-là. Il y en avait cent
dans la boîte.
    Le
visage du curé Lussier rougit légèrement, mais il ne dit rien.
    – Il faut
bien que ce soit madame Cournoyer ou Gabrielle, monsieur le curé. Vous, vous
aimez mieux la pipe.
    Antoine
Lussier se racla la gorge d’un air embarrassé avant d’avouer un peu piteusement :
    – Ne les
accusez pas, l’abbé. Je pense que c’est moi qui ai fumé toutes vos autres
cigarettes. Avant que vous me le fassiez remarquer, j’avais pas l’impression d’en
avoir tant fumé. C’est traître, la cigarette. C’est tellement faible qu’on peut
en fumer plusieurs sans s’en rendre compte. En plus, on y prend goût sans bon
sens. Je m’excuse d’avoir fumé votre provision.
    – Ah ! c’est
vous. Vous avez bien fait, monsieur le curé, reprit l’abbé Martel, sur un ton
qui trahissait un certain inconfort. Je suis content que vous les aimiez.
    – Vous êtes
bien généreux, l’abbé. Vous êtes chanceux que votre cousin vous ait envoyé
trois boîtes de cigarettes. Trois boîtes, ça fait beaucoup de cigarettes.
    Le vicaire comprit à demi-mot le message de son supérieur. Le soir même,
une seconde boîte de Sweet Caporal remplaça la boîte métallique vide sur la
table basse du salon.
    Le lendemain, à la
messe, le curé Lussier annonça aux fidèles que le carême commencerait dans
trois jours et que l’imposition des Cendres se ferait, comme chaque année, lors
d’une brève cérémonie, durant l’après-midi. Ensuite, le prêtre consacra son sermon
à l’importance des deux courtes retraites de trois jours qu’un père dominicain
allait venir prêcher dans la paroisse dès le second soir du carême. La première,
réservée aux femmes, allait durer du jeudi au samedi suivant ; tandis que
la seconde, celle des hommes, ne débuterait que le lundi. Le curé de la
paroisse de Saint-Jacques-de-la-Rive insista lourdement sur la nécessité

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