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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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humeur
coutumière.
    On
aurait dit qu’Ernest en voulait au monde entier, particulièrement à tous ceux
qui pouvaient se mouvoir sur leurs deux jambes. Le jeune homme frappa à la
porte et attendit que quelqu’un vienne lui ouvrir. Dès son entrée, le
cultivateur vit que l’ami de sa fille tenait deux vieilles béquilles dans les
mains.
    Yvette et ses cinq
enfants, curieux, s’approchèrent du jeune voisin.
    – Où est-ce
que tu t’en vas avec ça ? lui demanda sans aménité le père de Céline.
    – Bonjour, monsieur
Veilleux. Mon père s’est rappelé hier soir que mon oncle Germain s’était déjà
cassé une jambe, il y a une dizaine d’années. Après ma tournée de ramassage du
lait aujourd’hui, je me suis arrêté chez lui et je lui ai demandé s’il avait
gardé ses béquilles. Comme il les avait encore, je les ai empruntées pour vous.
Si vous voul ez
vous en servir, on peut les
arranger à votre taille.
    – Je sais pas
si je vais être capable de me servir de ça, déclara le cultivateur sans montrer
d’enthousiasme à l’idée de se déplacer avec ces supports.
    – Ça vous
rendrait pas mal plus libre de vos mouvements et plus indépendant, plaida
Clément en feignant d’ignorer la mauvaise humeur du père de son amie.
    – Bon. C’est
correct. Je peux toujours essayer, consentit de mauvaise grâce le malade.
    – Je vais
vous aider à vous mettre debout, suggéra le jeune homme. On a juste à prendre
votre mesure et à visser les pattes des béquilles à la bonne hauteur. C’est une
affaire de cinq minutes.
    Jérôme et Yvette aidèrent le malade à se lever et Clément ajusta
rapidement les deux béquilles. Ensuite, il suffit de quelques minutes d’exercices
pour que le blessé se déplace avec une certaine assurance dans la pièce. Habitué
aux durs travaux de la terre, le petit homme était doué de suffisamment de
force physique pour se déplacer sans difficulté à la force de ses bras.
    Même s’il était
heureux de se découvrir enfin une certaine autonomie, Ernest Veilleux se garda
bien de montrer trop ouvertement son contentement.
    – T’as pas eu
une mauvaise idée de me trouver des béquilles, finit-il par dire à son jeune
voisin après avoir effectué le tour de la pièce. Merci ben.
    Ce
soir-là, Eugène Tremblay demanda à son fils si le père de Céline était content
des béquilles qu’il lui avait apportées.
    – Il a trouvé
que c’était pas une mauvaise idée, p’ pa, dit
Clément.
    – Le
connaître comme je le connais, il a pas dû se morfondre à te remercier.
    – Il m’a dit « merci ».
    – J’espère, en
tout cas, qu’il apprécie que t’ailles aider ses gars à faire le train deux fois
par jour depuis son accident.
    – C’est sûr, p’ pa.
    – Parce que
moi aussi, j’ai besoin de toi ici pour faire le train. Depuis une semaine, j’ai
juste Gérald pour me donner un coup de main.
    – Si vous le
voulez, p’ pa, on peut commencer notre train plus de
bonne heure et j’irai à côté juste quand on aura fini le nôtre.
    – Au lieu de
chialer sur le voisin, qu’est-ce que tu dirais d’aller le voir pour s’informer
de sa santé ? demanda Thérèse en coupant le fil avec lequel elle venait de
coudre un bouton d’une chemise de Gérald.
    – Es-tu folle,
toi ? s’emporta l’homme à l’imposante stature. Je lui ai parlé la semaine
passée et ça faisait trente ans que j’avais pas fait ça. Je suis prêt à
attendre encore trente ans avant de recommencer.
    – Voyons, Eugène.
Tu trouves pas que ça fait assez longtemps que vous vous gardez rancune pour
une niaiserie qui est arrivée quand vous étiez jeunes ? Vous êtes deux
voisins. Tu lui as rendu un grand service quand l’arbre lui est tombé dessus. Pardonne-lui
donc une fois pour toutes. On pourra se voisiner après comme on aurait toujours
dû le faire. Les Veilleux sont du bon monde. Yvette est fine et les enfants
sont bien élevés. D’autant plus que rien te dit que pour Clément et Céline, ça
deviendra pas plus sérieux.
    – Correct !
Correct ! céda son mari. Je vais aller le voir demain. Mais je comprends
pas pourquoi il faut toujours que ce soit moi qui fasse les premiers pas.
    – Parce qu’il
lui manque une jambe, p’ pa, plaisanta
Clément, qui avait suivi la discussion sans prononcer un mot.
    – T’es ben
drôle, toi, fit son père, bourru.
    Le
lendemain soir, après une longue hésitation, Eugène Tremblay se décida à

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