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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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se laisser tomber sur
une chaise. Si c’était pas de cette maudite jambe-là, ajouta-t-il avec humeur
en frappant du plat de la main son plâtre encombrant, on pourrait se préparer.
    – Jérôme peut
commencer, suggéra Yvette qui finissait de préparer une omelette. T’auras juste
à lui dire quoi faire.
    Son mari ne se
donna pas la peine de lui répondre et s’absorba dans des pensées moroses en
attendant que ses garçons rentrent déjeuner après avoir soigné les bêtes.
    Depuis plus d’une
semaine, il était cloué dans la maison et il n’en pouvait plus de regarder s’égrener
les minutes sans pouvoir faire quelque chose. Après le départ pour l’école de
Léo et de Jean-Paul, Jérôme irait nettoyer l’étable et lui, il resterait avec
les femmes en train de piquer une courtepointe commencée l’automne précédent. Tout
ce qu’il allait avoir à faire toute la journée, c’était de guetter par la
fenêtre le passage improbable d’un attelage. En temps normal – et il était
maintenant bien placé pour l’avoir vérifié chaque jour – il ne passait le plus
souvent que celui qui ramassait les bidons de lait et Philibert Dionne.
    Ce mardi-là, au
début de l’après-midi, il s’était assoupi dans sa chaise berçante quelques
minutes à peine après avoir dîné. Soudain, il sursauta en entendant des
tintements de clochettes près de la maison. Il ouvrit les yeux et tendit le cou
en direction de la fenêtre la plus proche : un attelage venait de s’arrêter
près du balcon. Céline, Anne et Yvette avaient aussi entendu et elles s’étaient
levées pour aller voir qui arrivait.
    – Mais c’est
Albert ! s’exclama Yvette Veilleux, tout heureuse de revoir son fils. Céline,
va ouvrir, lui ordonna sa mère.
    – Veux-tu ben
me dire d’où il sort au milieu de la semaine ? demanda son mari, intrigué.
    – Il est venu
avec le père Groleau, précisa sa femme qui venait de reconnaître le vieux
bedeau.
    – Anne, dit
Ernest, sors la bouteille de caribou. On se débarrassera pas du père Groleau
sans qu’il ait bu un ou deux verres.
    Mais
Ernest se trompait. Le bedeau de Saint-Jacques-de-la-Rive laissa à peine le
temps au jeune Veilleux de descendre de sa sleigh avant de reprendre la route. Il
y eut un bruit de pas sur les marches de l’escalier extérieur et Céline ouvrit
la porte à son frère avant même qu’il ait eu le temps de frapper.
    Albert Veilleux
entra dans la maison après avoir secoué ses pieds à l’extérieur. Il salua son
père et embrassa sa mère et ses sœurs avant d’entreprendre de déboutonner le
lourd paletot bleu dans lequel il était engoncé.
    – Sacrifice !
Le père Groleau est déjà reparti ! s’exclama Ernest, stupéfait. On dirait
que le diable est aux vaches.
    – Il m’a dit
qu’il entrait pas parce qu’il fuyait la tentation de boire un petit coup, expliqua
Albert en riant et en repoussant du pied sa petite valise brune. Il paraît qu’il
a promis de pas boire durant tout le carême.
    – Comment ça
se fait que t’as embarqué avec lui ? lui demanda Céline.
    – En
descendant du train, je suis arrêté chez Murray pour m’acheter du tabac. Le
père était là en train de faire des commissions pour le curé Lussier. Je lui ai
demandé de m’embarquer.
    – As-tu dîné ?
s’enquit sa mère.
    – Oui, m’man.
    – Bon. Je te
prépare une bonne tasse de thé pour te réchauffer.
    Pendant qu’Yvette
versait du thé bouillant à son fils aîné, Ernest s’informait.
    – Qu’est-ce
que tu viens faire ici en pleine semaine ?
    – Je sais pas
si je vous l’ai dit, mais mon oncle est mon nouveau boss au Canadien
Pacifique depuis la fin du mois de janvier. Je lui ai demandé une semaine de
congé pour venir vous donner un coup de main. Il s’est fait tirer un peu l’oreille,
mais il a fini par accepter. Ça fait que je suis venu vous aider un peu si vous
avez besoin de moi.
    – Tu seras
pas de trop, fit son père, subitement d’excellente humeur. Il va falloir
commencer à penser à percer les érables et à installer les chaudières. D’ici
deux ou trois jours, s’il continue à faire doux comme ça, les érables vont se
mettre à couler.
    – Parfait. C’est
en plein ce que je pensais. C’est le temps de l’année que j’ai toujours préféré,
dit le jeune homme, plein d’entrain.
    Il
y eut un court silence avant qu’Albert ne reprenne la parole.
    – Comment
est-ce que Jérôme et les petits se

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