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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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prêts à se contenter, dans le meilleur
des cas, de Pâques de renard, soit se confesser et communier dans la semaine
suivant Pâques. Quelle sorte d’exemple ces gens-là donnaient-ils à leurs
enfants ? Ce n’est pas parce qu’on était en pleine saison des sucres qu’il
fallait négliger pour autant ses devoirs de chrétien.
    Le pasteur avait
horreur de ce genre de comportement. Il y voyait une sorte de contestation
muette de son autorité. C’est pourquoi il ne se cachait pas pour montrer aux
retardataires son mécontentement lorsqu’ils passaient au confessionnal après
Pâques.
    Par un réel effort de volonté, Antoine Lussier cessa de marmonner dans
son bureau pour se consacrer à la préparation des cérémonies du Vendredi saint
et il nota sur une feuille de prévenir Joseph Groleau de recouvrir toutes les
statues et les crucifix de l’église d’un voile violet pour ce jour-là, comme l’exigeait
le rituel.
    L’abbé Martel
était allé rencontrer les écoliers de l’école du rang des Orties pour vérifier
leur degré de préparation à leur confirmation et à leur première communion, qui
allaient avoir lieu à la fin du mois d’avril.
    Gabrielle Paré
était seule dans la cuisine du presbytère de Saint-Jacques-de-la-Rive. La jeune
cuisinière, le visage dur, réfléchissait tout en surveillant la cuisson de
miches de pain placées au four. La vieille Agathe Cournoyer était partie à
Pierreville quelques instants plus tôt pour consulter le docteur Courchesne.
    Gabrielle avait un
certain nombre de raisons de s’inquiéter depuis quelques jours. Le dimanche
précédent, la jeune orpheline avait décidé de passer aux actes pour forcer la
main de son soupirant, Germain Fournier. Elle voulait l’obliger en quelque
sorte à la demander en mariage, même s’ils ne se fréquentaient que depuis trois
mois. Pour y arriver, elle avait pris la chance de lui mentir effrontément, au
risque de se faire découvrir et de perdre la face.
    Elle avait été l’une
des premières à faire ses Pâques et elle s’était empressée de choisir l’abbé
Martel pour confesseur parce que le jeune prêtre se montrait beaucoup moins
curieux que son supérieur avant de donner son absolution. Mais cela aurait été
commettre une grossière erreur de croire que la jeune fille était préoccupée
par ce péché qui allait la forcer à retourner se confesser si elle voulait
communier le matin de Pâques. Pas du tout. Elle tremblait tout simplement d’être
traitée de menteuse et d’être renvoyée avec armes et bagages à Saint-Ferdinand.
    Après avoir
réfléchi toute la semaine au meilleur moyen d’obliger Germain à déclarer
ouvertement ses intentions, l’orpheline avait décidé de l’acculer au pied du
mur, le dimanche précédent. Bien qu’elle ne le fréquentât que depuis quelques semaines,
elle croyait bien le connaître, son Germain. Le jeune cultivateur au visage
raviné par l’acné était un timide qui n’avait aucune confiance en lui. Elle l’avait
parfois insidieusement amené à se montrer un peu plus entreprenant lors des
soirées qu’il passait au salon en sa compagnie en lui permettant quelques
chastes baisers. Mais les privautés s’étaient arrêtées là. Lorsque les mains du
jeune homme s’étaient montrées un peu trop baladeuses, elle l’avait sèchement
remis à sa place, toute fière de constater chaque fois le pouvoir qu’elle
pouvait exercer sur un homme qui avait une dizaine d’années de plus qu’elle.
    – Voyons, Germain,
lui disait-elle en feignant d’être fâchée. Je suis une fille honnête.
    L’autre, le visage
rouge de confusion, ne savait alors plus quel geste poser pour se faire
pardonner.
    Or, le dimanche
des Rameaux, Gabrielle Paré avait pris un ton de conspiratrice pour dire à son
amoureux :
    – Germain, je
pense que la supérieure de l’orphelinat a écrit à monsieur le curé. Il me
semble avoir reconnu l’écriture de sœur Sainte-Anne sur l’enveloppe.
    – Qu’est-ce
que ça veut dire ? avait demandé Germain.
    – Ça peut
vouloir dire juste une affaire : elle veut qu’il me renvoie à l’orphelinat,
avait affirmé la jeune servante en prenant une mine attristée.
    – Pourquoi il
ferait ça ? Madame Cournoyer arrête pas de dire comment le curé Lussier
est content de toi.
    – La
supérieure peut lui dire qu’elle a besoin de moi. Après Pâques, chaque année, on
commence le grand ménage de printemps. Dans ce temps-là,

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