Les années folles
tout simplement pas s’absenter
de la ferme. Il lui fallait aider les deux mères à mettre bas. Ce délai de deux
jours avant d’aller rencontrer le curé Lussier n’aida en rien ce timide. Cent
fois, il imagina les pires scénarios. Il n’en dormait plus. Il n’osait même pas
penser à ce qu’il ferait si le prêtre lui opposait une fin de non-recevoir et
renvoyait immédiatement Gabrielle à son orphelinat. À cette seule pensée, il en
avait des sueurs froides. Il n’était tout de même pas pour retomber dans le
désespoir qu’il avait vécu lorsqu’il avait été rejeté par Céline Veilleux !
Le mercredi avant-midi, la seconde vache donna enfin naissance à son
veau. Libéré, le célibataire décida de faire sa toilette et de s’endimancher
pour aller voir le curé Lussier au début de l’après-midi.
Une brusque
sonnerie sortit Gabrielle Paré de sa rêverie. Elle jeta un coup d’œil à son
pain et elle se composa un visage aimable pour aller répondre à la porte d’entrée.
– Laisse
faire, lui ordonna le curé Lussier déjà sorti de son bureau. Je m’en occupe.
Gabrielle
resta debout près de la porte de la cuisine, espérant qu’il s’agissait enfin de
Germain. Lorsqu’elle vit son prétendant entrer et enlever ses bottes à l’extrémité du couloir, elle se sentit
soulagée d’un grand poids. Elle lui adressa un timide signe d’encouragement
alors que le prêtre lui tournait le dos .
Antoine Lussier
fit entrer le jeune homme dans son bureau et referma la porte derrière lui. Gabrielle
s’avança sur le bout des pieds dans le couloir pour tenter d’entendre la
conversation qui se déroulait dans la pièce, mais la porte était trop épaisse
et elle ne perçut que des murmures.
– Qu’est-ce
qui se passe ? demanda le curé Lussier au jeune cultivateur sur un ton
débonnaire en lui faisant signe de s’asseoir sur l’une des deux chaises placées
devant son bureau.
Germain, la tuque à la main et le manteau déboutonné, ne savait par où
commencer. Le prêtre sembla soudain se rendre compte de son malaise et voulut l’encourager.
– J’espère
que ce sont pas tes amours avec notre Gabrielle qui vont mal ?
– Ben non, monsieur
le curé, au contraire.
– Tu veux
faire tes Pâques ?
– Elles sont
déjà faites, monsieur le curé. Non, je voulais vous parler de Gabrielle, finit
par dire Germain en passant un doigt épais entre le col de sa chemise et son
cou.
– Bon. Accouche,
Germain, s’impatienta Antoine Lussier. On est pas pour y passer tout l’après-midi.
– Ben, voilà.
On aimerait se fiancer, monsieur le curé.
– Vous
fiancer, déjà ! Mais vous vous fréquentez juste depuis les fêtes, s’étonna
le prêtre.
– C’est vrai,
reconnut le jeune homme, mais je pense qu’on se connaît ben et…
– Vous avez
pas fait de folies au moins, tous les deux ? fit Antoine Lussier, le ton
subitement sévère.
– Non, monsieur
le curé. J’ai toujours respecté Gabrielle et je l’ai vue seulement quand madame
Cournoyer était là.
– Tu me
rassures. Elle, qu’est-ce qu’elle en pense ? demanda encore le curé.
– Elle veut
bien.
– On va le
lui demander quand même, fit le prêtre en se levant.
Il
ouvrit la porte de la pièce et, du couloir, invita la jeune servante à venir
avant de retourner s’asseoir derrière son bureau. Gabrielle se présenta dans la
pièce en essuyant ses mains sur son tablier.
– Gabrielle, Germain
vient de me demander ta main. Tu étais au courant ?
– Oui, monsieur
le curé, répondit l’orpheline en s’efforçant de rougir.
– Quand
voulez-vous vous fiancer ?
– Le plus
vite possible, monsieur le curé, déclara Germain, rendu plus brave par la
présence de Gabrielle.
– Vous savez
que je dois d’abord obtenir l’accord de la supérieure de l’orphelinat parce qu’elle
est la responsable de Gabrielle jusqu’à sa majorité. Je vais lui écrire et si
elle est d’accord, vous pourr ez vous fiancer.
– Merci, monsieur
le curé, dit Germain, soulagé et reconnaissant.
– Mais vous
savez que j’ai jamais été pour les longues fiançailles. Si vous vous fiancez
avant la fin du mois, quand pensez-vous vous marier ?
– Au
commencement de l’été ? suggéra l’orpheline en adressant un regard timide
à Germain.
– Oui, au
commencement de l’été, répéta ce dernier.
– Bon, c’est
correct. Je m’en occupe, conclut le prêtre en se levant de son
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