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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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fauteuil et en
contournant son imposant bureau en chêne.
    Le pasteur ouvrit
la porte de son bureau.
    – Toi, mon
Germain, je devrais t’en vouloir, lança Antoine Lussier sur un ton plaisant. T’es
en train de me voler ma cuisinière. Je peux te garantir que c’est toute une
cuisinière.
    Gabrielle
baissa la tête, flattée par le compliment.
    – Merci, monsieur
le curé, fit le jeune cultivateur en s’engageant dans le couloir devant la
jeune fille.
    La
jeune servante suivit son amoureux jusqu’à l’entrée et le regarda chausser ses bottes . Après s’être assurée que le prêtre
avait bien fermé la porte de son bureau, elle se leva sur le bout des pieds et
embrassa Germain.
    – On se voit
samedi soir, lui chuchota-t-elle de sa voix la plus enjôleuse, avant de le
laisser partir.
    Le
samedi saint, Bruno Pierri se présenta chez les Veilleux au milieu de l’avant-midi.
    En cette journée
du début du mois d’avril, l’air doux charriait des effluves printaniers. Tout
laissait présager que la vie allait bientôt renaître. Déjà, des plaques de
terre apparaissaient ça et là au milieu des champs. La route, sans être encore
praticable pour les voitures, devenait de plus en plus difficile à emprunter
pour les sleighs et les traîneaux. À certains endroits, la glace et la neige
avaient cédé leur place à des mares d’eau. Partout, l’eau de fonte avait envahi
les fossés et menaçait de déborder sur la route.
    La veille, l’Italien
était venu rendre visite à Ernest pour prendre de ses nouvelles. Depuis l’accident,
il s’était arrêté chaque semaine pour s’informer de sa santé. Le voisin
continuait à le vouvoyer, probablement parce que le malade avait presque quinze
ans de plus que lui.
    – Est-ce que
c’est pas presque le temps pour vous de voir le docteur Courchesne pour qu’il
vous enlève votre plâtre ? lui avait-il demandé. Si ça vous convient, vous
pourriez peut-être monter avec moi à Pierreville demain matin parce que je dois
passer chez Murray.
    – Si ça te
dérange pas trop, ça ferait ben mon affaire, avait accepté le petit homme. Ça
fait assez longtemps que j’endure ce plâtre-là.
    – Bon. On va
essayer d’y aller en voiture, avait déclaré Bruno. Ça va être la première fois
cette année que je vais m’en servir. Mais je pense pas avoir trop de misère, il
y a de moins en moins de neige sur le chemin.
    De
fait, jusqu’au village de Saint-Jacques-de-la-Rive, l’attelage n’eut pas trop
de mal à avancer, mais la route conduisant à Pierreville, plus fréquentée, se
révéla beaucoup plus difficile à parcourir. Malgré tout, le retour se fit avant
midi et dans la bonne humeur. Ernest était débarrassé de son plâtre encombrant
et le docteur Courchesne l’avait déclaré complètement guéri. Malgré un
boitillement temporaire, selon le médecin, le cultivateur était heureux comme
un enfant.
    – Il était à
peu près temps, déclara Ernest avec un grand sourire. Je vais enfin pouvoir m’occuper
de mon sirop à la cabane à sucre. J’ai ben cru que je pourrais pas y mettre les
pieds cette année.
    – Votre grand
fils vous a tout de même pas mal aidé, lui fit remarquer son voisin. Vous êtes
chanceux d’avoir des enfants. Maria et moi avons pas pu en avoir…
    – C’est vrai,
reconnut Ernest. Mon Albert a fait son possible. Il est même resté quinze jours
plutôt qu’une semaine avant de retourner à sa job, en ville.
    – C’est
dommage que vous l’ayez pas tout le temps avec vous, lui fit remarquer Pierri.
    – C’est sûr
que j’aurais ben aimé qu’il reste travailler avec moi, confia Ernest, la mine
subitement assombrie. Je pensais qu’il prendrait ma suite.
    – Il y en
aura certainement un parmi vos autres fils qui restera avec vous pour vous
aider. C’est pas comme moi…
    Le
visage d’Ernest Veilleux devint triste l’espace d’un moment. Il venait de
penser à son Adrien, mort quelques semaines auparavant.
    – Avec les
enfants, on peut jamais savoir, dit-il finalement à l’Italien. Il y a rien qui
me dit qu’ils partiront pas tous, les uns après les autres, pour aller vivre en
ville.
    – C’est vrai
que la ville les attire, reconnut Pierri. Les jeunes s’imaginent que c’est le
paradis. Ils se trompent. C’est pas une vie de travailler de douze à quatorze
heures par jour, six jours par semaine, pour un salaire de misère.
    Ils
savent pas ce que c’est que de se retrouver chaque soir dans

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