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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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un petit appartement
étouffant, à endurer les cris des voisins. Je connais ça. J’ai vécu assez longtemps
à Montréal pour savoir comment ça se passe.
    – Tu connais
les jeunes, reprit Ernest. Ils pensent juste aux plaisirs qu’ils vont avoir
là-bas. Le radio, les vues, les restaurants, les chars, l’électricité et l’eau
courante, c’est tout ce qui les intéresse. Pour eux autres, c’est ça, la vraie
vie.
    – Ils
oublient qu’il faut avoir de l’argent pour se payer tout ça, reprit l’Italien. Quand
on gagne douze ou treize piastres par semaine, tout ça, c’est pour les autres.
    – On a beau
chercher à leur ouvrir les yeux, ils veulent rien entendre. Je suis rendu à
penser que ça sert à rien de s’énerver avec ça parce qu’on peut rien y changer,
conclut Ernest, philosophe. Les plus intelligents finiront ben par comprendre
qu’il y a rien qui vaut une bonne terre.
    Il
y eut un moment de silence dans la voiture quand le conducteur dut contourner
une large mare d’eau au milieu du rang Sainte-Marie.
    – Avez-vous
remarqué qu’il y a une bonne couche d’eau sur la glace de la rivière ? demanda
Bruno pour changer de sujet de conversation.
    – Ouais !
J’ai l’impression que la glace est à la veille de lâcher. Ça peut pas faire
autrement avec toute l’eau de fonte qui descend. J’espère qu’il se mettra pas à
mouiller en plus, ajouta Ernest en jetant un coup d’œil au ciel où de lourds
nuages gris s’amoncelaient. S’il se met à mouiller, les chemins seront pas
beaux à voir demain matin. Ça pourrait vouloir dire la fin des sucres.
    – Vous me
parlez d’eau, dit Pierri. Ça me fait penser à vous demander si vous aussi, vous
allez chercher ce que vous appelez ici de l’eau de Pâques.
    – Beau
dommage. C’est sûr. Demain matin, je vais être à la source de Desjardins avant
le lever du soleil. Tu peux en être certain. Maintenant que je peux me servir
de mes deux jambes…
    – Je
connaissais pas cette tradition-là, avoua Pierri, incrédule.
    – Ah non ?
demanda Ernest, surpris. Avec quoi vous soignez tous vos petits bobos ch ez vous si vous avez pas d’eau de Pâques ?
    Il y eut un court
silence dans la voiture avant que l’Italien ne reprenne la parole.
    – Pensez-vous
que ça dérangerait si j’allais, moi aussi, me chercher de l’eau chez Desjardins,
demain matin ?
    – Pantoute. T’as
juste à arriver avant le lever du soleil.
    Quelques minutes
plus tard, Bruno Pierri arrêta sa voiture près de la maison des Veilleux.
    – Faites tout
de même attention à votre jambe, dit-il en voyant son voisin s’appuyer avec
précaution sur sa jambe droite. Il manquerait plus que vous vous la cassiez une
autre fois.
    – Inquiète-toi
pas, je ferai pas de folie. Merci pour le voyage.
    Quand
Ernest Veilleux se leva avant l’aurore, le matin de Pâques, il entendit les lourdes
gouttes de pluie qui tombaient sur la toiture de la maison. Il alluma le poêle
et il entreprit de s’habiller pour sortir, même s’il était encore trop tôt pour
aller soigner les animaux. Au moment où il endossait son épais paletot, il vit
Jérôme descendre de l’étage.
    – Attendez-moi, p’ pa. Je vais aller chercher de l’eau de
Pâques avec vous, proposa l’adolescent en passant une main dans sa chevelure
brune hirsute.
    – Grouille, lui
ordonna son père, tout de même heureux d’avoir de la compagnie. Le jour est à
la veille de se lever et je peux pas marcher vite.
    Quelques
minutes plus tard, le père et le fils, portant un fanal allumé et un gros pot
en vitre, se mirent en marche sous la pluie en direction de la source vive qui
coulait chez les Desjardins, la dernière ferme du rang Sainte-Marie, située à
quelques arpents de celle des Veilleux, de l’autre côté de la route. Lorsqu’ils
approchèrent des lieux, ils aperçurent plus d’une demi-douzaine de fanaux
allumés et entendirent des bruits de voix. La plupart des fermiers du rang s’étaient
levés avant l’aube pour venir recueillir, comme la tradition l’exigeait, de l’eau
de Pâques. Durant toute l’année, le contenant d’eau serait placé non loin des
rameaux bénits le dimanche précédent et chacun pourrait profiter des vertus
curatives de cette eau aux pouvoirs miraculeux.
    – Les glaces
ont lâché au milieu de la nuit, fit une voix qu’Ernest attribua à Antonius
Tougas. De chez nous, j’ai entendu le grondement.
    – Moi aussi, dit
Adalbert Perreault,

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