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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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lentement de sa chaise.
    Mais la servante
du curé Lussier commettait une erreur. La jeune fille ne put passer sa colère
sur son fiancé au moment de la grand-messe pour la simple et bonne raison qu’elle
ne le vit pas. Tout au plus l’avait-elle aperçu à la fin de la basse-messe, au
moment où il montait dans son boghei. Peut-être ne l’avait-il pas vue ! Pourquoi
était-il venu à la basse-messe sans lui en parler ?
    Depuis
le début du mois de février, il assistait toujours à la grand-messe en sa
compagnie. Qu’est-ce que les commères de la paroisse allaient colporter en la
voyant assise seule dans le banc des Fournier ?
    Au même instant, Germain
Fournier faisait route vers sa ferme, le visage fermé, bien résolu à tenir bon.
Il avait bien vu Gabrielle sortir du presbytère au moment où il montait dans
son boghei. C’était volontairement qu’il avait refusé de lui adresser le
moindre signe de reconnaissance. Ce matin-là, par lâcheté et par entêtement, il
avait décidé de l’éviter en allant à la basse-messe. Ainsi, il retardait les
explications qu’il allait devoir lui donner lors de leur prochaine rencontre. En
retournant à la maison, il n’était même pas certain de vouloir aller passer la
soirée avec elle, comme il le faisait tous les dimanches soirs depuis le début
de leurs fréquentations.
    Pour sa part, Gabrielle
Paré avait mal dormi et s’était levée, ce matin-là, la mine chiffonnée. Durant
une partie de la nuit, elle avait hésité entre un pardon inconditionnel pour
une pareille conduite et le goût de lui faire payer chèrement le fait de l’avoir
laissée poireauter à l’attendre toute la soirée. Au fond d’elle-même, quelque
chose lui prêchait tout de même une certaine prudence. Elle commençait à
réaliser que si elle se montrait trop dure avec lui, il risquait de se rebiffer
et de la planter là. Il avait beau être timide, il n’était tout de même pas
stupide au point de se laisser malmener sans réagir.
    « Je verrai
ça après la messe, mais il est mieux d’être fin », s’était-elle promis en
finissant de brosser ses cheveux avant de descendre à la cuisine rejoindre
Agathe Cournoyer qui l’attendait pour se rendre au presbytère.
    Comme tous les
dimanches matins, les deux femmes étaient sorties de la maison et avaient
traversé le rang Saint-Edmond pour entrer au presbytère. Elles avaient dressé
la table du dîner et préparé tout ce qui était nécessaire au repas des deux ecclésiastiques
en attendant l’heure de la grand-messe. Par le plus grand des hasards, au moment
où la basse-messe prenait fin, Gabrielle s’était rendu compte qu’elle avait
oublié son missel dans sa chambre en partant et elle avait prévenu sa compagne
qu’elle allait le chercher à la maison avant le début de la grand-messe.
    À l’instant où
elle posait le pied sur la première marche de l’escalier extérieur du
presbytère, les paroissiens qui assistaient à la basse-messe commençaient à
sortir de l’église. La jeune cuisinière avait d’abord cru s’être trompée en
reconnaissant la voiture de son fiancé au milieu de la douzaine d’autres qui
attendaient devant l’église. Puis, elle avait aperçu le jeune cultivateur
descendant du parvis. Elle aurait voulu lui crier de l’attendre ou, tout au
moins, lui faire signe de venir la rejoindre, mais toute la paroisse aurait
fait des gorges chaudes d’une conduite aussi peu conforme aux usages. Elle n’avait
alors eu d’autre choix que de voir ce dernier, le regard fixé droit devant lui,
monter dans son boghei et partir sans se retourner. Elle en aurait crié de rage.
Qu’est-ce qu’il lui prenait de venir à la basse-messe sans la prévenir quand il
savait qu’elle l’attendrait à la grand-messe ? Il aurait pu venir sonner à
la porte du presbytère pour l’avertir. Il savait bien qu’elle était là.
    Inutile de dire
que tout au long du service religieux, la jeune fille fut plongée dans des
sujets de réflexion très étrangers au saint sacrifice. Elle ne cessait de
penser à la conduite inexplicable de son fiancé. Elle n’avait qu’une hâte, celle
de le voir le soir même pour connaître les raisons qui l’avaient poussé à ne
pas venir la voir la veille et le matin même. Il devait sûrement y avoir une
bonne explication à ce comportement. Insidieusement, un soupçon commençait même
à voir le jour dans son esprit. Était-il possible que Germain ait décidé,

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