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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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dépêché de faire son train, de souper et de se changer pour venir
te voir et toi, tout ce que tu trouves à faire, c’est de presque lui fermer la
porte sur les doigts.
    – Mais je lui
ai expliqué que j’avais bien des choses à faire, plaida l’orpheline avec une
mauvaise foi évidente.
    – Il t’aime, Gabrielle.
    – C’est pas
une raison pour venir m’embêter.
    – Peut-être, mais
fais bien attention, ma fille. Sois pas trop sûre de toi. T’es pas encore
passée au pied de l’autel. Ton Germain est pas fou. Il peut encore changer d’idée.
    Trois
maisons plus loin, Hélèna Pouliot, occupée à balayer le long balcon qui ceinturait
deux des quatre côtés de son épicerie, avait vu arriver et repartir le fiancé.
    – Seigneur !
se dit-elle à mi-voix. Les mamours ont pas été longs à soir. Un peu plus, la
petite bougresse lui disait de rester assis dans son boghei.
    Par ailleurs, si
Gabrielle Paré avait été présente dans la voiture conduite par son fiancé ce
soir-là, elle se serait aperçue que sa réception hostile avait fait beaucoup
plus de ravages qu’elle ne pouvait l’imaginer. Si Germain Fournier était
parvenu à cacher la peine que la jeune fille lui avait causée en le recevant
comme un chien dans un jeu de quilles tout le temps qu’il avait été dans la
maison d’Agathe Cournoyer, il en allait tout autrement pendant qu’il regagnait
le rang Sainte-Marie.
    Inexplicablement, il était partagé entre la rage et le chagrin. L’aimait-elle ?
Si oui, pourquoi avait-elle été aussi bête avec lui ? Elle n’était pas
contente de le voir. Il comprenait qu’elle veuille préparer son trousseau, mais
passer une heure en sa compagnie ne l’aurait pas tant retardée. Cela aurait dû
lui faire plaisir de constater qu’il s’ennuyait d’elle au point de venir la
voir durant la semaine. Quelle sorte de fille était-ce ?
    –  En tout cas,
dit-il à mi-voix en serrant les dents de rage, si elle s’imagine que je vais
travailler toute la journée dehors et en plus, me mettre à faire du ménage dans
la maison durant la soirée, elle se trompe. Il y a toujours ben des limites à
ambitionner sur le monde. Elle me prendra pas pour un fou !
    Tout le reste de
la semaine, Germain Fournier remâcha sa rancœur. Lorsque le samedi soir arriva,
il hésita longtemps entre se présenter plus tard que d’habitude chez sa fiancée
ou ne pas y aller du tout, histoire de lui apprendre qu’il n’était pas obligé d’aller
la voir. Finalement, le sort décida pour lui. Au moment où il allait se décider
à faire sa toilette, il aperçut un renard en train de s’approcher de son poulailler.
Il ne perdit pas un instant. Il saisit son fusil et sortit de la maison. Le
temps d’arriver sur les lieux, la bête avait disparu. Il se convainquit alors
qu’il devait monter la garde une bonne partie de la soirée pour s’assurer que
le rôdeur ne reviendrait pas piller son poulailler.
    De son côté, la
jeune cuisinière alluma la lampe à huile du salon et s’installa dans la cuisine
jusqu’à l’arrivée de son fiancé. Germain apparaissait toujours vers dix-neuf
heures quinze. Depuis qu’Agathe Cournoyer l’avait mise en garde, elle avait
sagement pris la résolution de se montrer un peu plus douce avec celui qui allait
l’épouser à la mi-juin. À dix-neuf heures trente, la jeune fille commença à s’inquiéter
du retard de son prétendant et elle se leva plusieurs fois pour scruter par la
fenêtre le rang Saint-Edmond par où il devait nécessairement arriver.
    Les minutes passant,
Gabrielle finit par ne plus tenir en place. Pendant ce temps, sa logeuse se
gardait bien de dire un mot. Elle tricotait, confortablement assise dans sa
chaise berçante placée près de l’une des deux fenêtres de la cuisine.
    – Mais
comment ça se fait qu’il arrive pas, lui ? finit par s’exclamer Gabrielle
en consultant l’horloge de la cuisine.
    À vingt heures, la jeune fille était folle
de rage et avait toute la peine du monde à ne pas exploser devant Agathe
Cournoyer. Il était maintenant évident que Germain ne viendrait pas. Elle alla
souffler la lampe à huile du salon, souhaita une bonne nuit à son hôtesse et
monta se coucher. Dès qu’elle entendit la porte de la chambre claquer, la
vieille servante eut un rire silencieux en secouant doucement la tête.
    – J’en
connais un qui va se faire parler demain matin, après la grand-messe, murmura-t-elle
en se levant

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