Les années folles
rembarrée deux ans auparavant quand elle avait osé s’en
prendre au curé Lussier lorsque ce dernier, la soupçonnant d’empêcher la famille,
l’avait menacée de lui refuser l’absolution à la confesse. Aux yeux de l’ecclésiastique,
il était anormal qu’une femme mariée ne soit pas enceinte durant près de deux
ans.
– Qu’est-ce
qui s’est passé ? demanda Thérèse, curieuse.
– Elle a
refusé. Germain a dit à Georges que le curé était pas content pantoute, mais
que l’abbé Martel l’a calmé.
– Ça a pas d’allure
de les laisser se marier sans qu’il y ait rien, intervint Claire.
– C’ est ce que je me suis dit, fit Rita Hamel. J’ai
pensé qu’on pourrait peut-être préparer un petit quelque chose après la messe
pour les nouveaux mariés. Je sais pas. Peut-être juste un gâteau.
– C’est
correct, accepta immédiatement Thérèse. Même si Germain est pas le voisin le
plus agréable, on peut tout de même souhaiter la bienvenue à notre nouvelle
voisine.
– On pourrait
peut-être en parler à madame Veilleux, proposa Rita Hamel. Il faudrait pas qu’elle
se sente mise de côté.
– Laisse tes
enfants à Claire. On va aller voir Yvette ensemble.
À
l’heure du repas, Thérèse apprit aux siens qu’ils iraient aux noces de Germain
Fournier le lendemain avant-midi et qu’on dresserait une table à l’extérieur
pour offrir une petite réception improvisée aux nouveaux mariés.
D’abord
récalcitrant à l’idée de perdre une journée de travail, Eugène accepta finalement
quand sa femme lui eut expliqué à quel point leur voisin s’apprêtait à avoir un
mariage assez triste. Après le souper, il alla, avec l’aide de ses fils, dresser
dans la cour une table faite de tréteaux et de madriers pendant que Thérèse, Claire
et Aline cuisinaient les desserts qui seraient servis le lendemain midi.
Chez les Veilleux, Ernest ne fut pas plus enthousiaste que son voisin
immédiat à l’idée d’avoir à tout laisser de côté pour assister à un mariage. Il
fallut qu’Yvette le menace d’y aller à pied avec les plus jeunes de leurs
enfants pour qu’il accepte l’idée.
– Thérèse a
accepté de monter une table dans sa cour. Tout ce qu’on a à faire, c’est d’apporter
un peu à manger. Ce sera pas bien long et ça va permettre au jeune couple de
partir du bon pied, plaida-t-elle.
– Correct !
Correct ! répéta le petit homme, exaspéré. On va y aller à ces maudites
noces-là. Mais je t’avertis tout de suite, je vais à l’église, mais il est pas
question que je mette les pieds chez les Tremblay.
– Je
te ferai remarquer qu’ils nous ont invités à aller les voir quand ils sont venus
veiller après ton accident, dit Yvette, acide.
– Lui, il
peut m’inviter tant qu’il voudra. J’irai pas là parce que je peux pas le sentir !
s’emporta Ernest.
– As-tu pensé
que ça va être pas mal insultant pour le petit Fournier si tu viens pas ?
– Ben, Fournier
s’insultera. Je lui dois rien, moi.
– Viens donc,
insista Yvette. Même les Pierri ont dit qu’ils seraient là. Tu vas passer pour
un sauvage si t’es pas là.
– Je m’en sacre.
De toute façon, c’est parler pour rien, ça sent la pluie à plein nez.
– Ça
fait deux jours que t’en annonces, Ernest, et il tombe rien, lui fit remarquer
sa femme. S’il mouille demain, on aura juste à manger en dedans.
Rien
ne parvint à faire revenir l’entêté sur sa décision et Yvette finit par renoncer
à le convaincre.
Lorsque le jour se
leva sur le troisième samedi de juin, le ciel était uniformément gris, mais il
ne pleuvait pas. La chaleur était toujours aussi humide.
Germain Fournier, debout
bien avant l’aube, avait trait ses vaches et nourri ses animaux avant l’heure
habituelle. Après avoir tout remis en ordre dans la maison, il avait fait une
toilette soignée puis il était allé atteler l’un de ses deux chevaux au boghei
qu’il avait nettoyé à fond la veille, après le souper.
Un peu après neuf
heures, les gens du rang le virent passer, endimanché.
Lorsque le fiancé
arriva à l’église, il eut la surprise d’y trouver les Hamel, les Tremblay, les
Pierri et les Veilleux presque au grand complet. En outre, il y avait une dizaine
de curieux debout sur le parvis en train d’attendre les futurs mariés. Quelques
instants après son entrée dans l’église, Gabrielle Paré, vêtue d’une robe gris perle rehaussée d’un
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