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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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te voir par un temps pareil ? fit Gabrielle, sérieuse. À partir de
demain, tu pourras te changer dans la remise. T’auras juste à accrocher ton
linge à un clou et laisser tes bottes là.
    Germain
retint de justesse une remarque cinglante. Sa femme était déjà retournée au
poêle. Il abandonna ses bottes sur
le balcon et changea précipitamment de pantalon avant d’entrer dans la cuisine.
    Leur premier repas
en commun se prit dans un silence presque complet à la simple lueur de la lampe
à huile. À l’extérieur, le ciel ne s’était pas éclairci,
même si les averses étaient moins violentes. Après le souper, Gabrielle proposa
d’aller s’asseoir sur le balcon pour profiter de la faible brise qui venait de
se lever. Même s’il piaffait d’impatience, son mari accepta d’aller prendre
place à ses côtés. Quand il rapprocha sa chaise de celle qui allait vraiment
devenir sa femme dans quelques minutes, Gabrielle ne put s’empêcher de
repousser un peu sa chaise en disant :
    – Collons-nous
pas trop. Il fait tellement chaud.
    Pendant
près de deux heures, ils regardèrent les champs fumer sous l’averse et les
gouttes de pluie former une grande mare à l’entrée de la cour. Ils étaient silencieux
et mal à l’aise, ne trouvant presque rien à se dire en cette première soirée où
ils se retrouvaien t
    seuls. Ni l’un ni l’autre ne pouvaient voir, deux
maisons plus loin, Clément Tremblay, assis lui aussi sur le balcon, guettant le
retour improbable de Céline Veilleux ce soir-là.
    Finalement, quand
l’obscurité tomba, Gabrielle sembla se résoudre un peu à contrecœur à entrer
dans la maison.
    – Laisse-moi
quelques minutes pour me préparer, dit-elle à son mari avant de laisser claquer
la porte-moustiquaire derrière elle.
    Germain
la regarda disparaître à l’intérieur de la maison et se diriger vers leur
chambre à coucher. Il finit nerveusement de fumer sa pipe, attendant avec une
impatience croissante une invitation à rentrer qui tardait à venir. Finalement,
n’en pouvant plus d’attendre, il entra dans la maison et procéda à des
ablutions sommaires au lavabo de la cuisine. Aucun bruit ne provenait de la
chambre. Après une brève hésitation, il s’empara de la lampe à huile déposée
sur la table et, le cœur battant la chamade, pénétra dans la chambre. À sa grande
surprise, il faisait noir dans la pièce. Gabrielle avait éteint. À la lueur de
la lampe, il l’aperçut étendue dans le lit, une mince couverture tirée jusqu’à
son cou. La courtepointe avait été repliée et déposée soigneusement sur la
commode.
    – Éteins la
lampe, demanda-t-elle à son mari.
    – Pourquoi ?
    – J’aime
mieux ça, se contenta-t-elle de dire d’une voix changée.
    Germain souleva
les épaules et souffla la lampe. Au fond, il préférait lui aussi l’obscurité
pour ce premier soir.
    S’il n’avait pas été aussi énervé, il aurait remarqué à quel point la
voix de sa femme trahissait sa crainte de ce qui l’attendait et dont elle n’avait
qu’une vague idée.
    Le jeune
cultivateur se déshabilla rapidement dans le noir et, à tâtons, il rejoignit sa
femme dans le lit. Pendant un long moment, il ne sut comment se comporter et il
resta là, immobile, incapable de se décider à poser une main sur celle qu’il
avait épousée ce jour-là.
    Gabrielle, couchée
sur le dos , ne faisait pas un geste elle non plus. Sentant
l’inexpérience de son conjoint, elle ne dit pourtant pas un mot propre à l’encourager,
à le guider. Elle attendait, stoïque. On aurait dit une gisante. Elle n’avait
pas eu de mère pour lui expliquer la conduite à tenir durant sa nuit de noces
et les religieuses n’auraient jamais osé aborder un sujet aussi scabreux que la
sexualité avec les jeunes filles confiées à leurs soins. Bref, tout ce que la
jeune mariée savait provenait des conversations chuchotées entre les filles de
l’orphelinat.
    Dans ce domaine, son
mari était malheureusement encore moins bien informé qu’elle. Un père, un frère
aîné ou un ami aurait pu lui expliquer l’importance des mots doux, des caresses
légères et des baisers pour mieux préparer celle qu’il brûlait de posséder. Mais
il n’en était rien.
    Brusquement, Germain
se décida à poser les mains sur Gabrielle. Elle ferma les yeux et retint sa
respiration. Il souleva sa robe de nuit et, durant un moment, ses mains
rugueuses pétrirent tout son corps sans aucune douceur.

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