Les années folles
notre dos . Je t’ai
fait bouillir de l’eau pour te raser. Elle est sur le poêle.
Germain
ne dit plus rien. Il alla chercher dans la chambre son blaireau et son rasoir, et
commença à se raser devant le miroir de la cuisine. Pendant ce temps, Gabrielle
était sortie à l’extérieur pour s’asseoir sur le balcon avec son missel.
Quelques minutes
plus tard, le jeune couple, le visage fermé, prit place dans le boghei et se
dirigea vers l’église où il avait uni sa destinée moins de vingt-quatre heures
auparavant.
Dès le début de l’après-midi,
Clément Tremblay avait repris sa surveillance de la route sans en avoir l’air. Il
détestait les dimanches, jours où on devait se tourner les pouces parce que le
curé Lussier n’aurait jamais permis à l’un de ses paroissiens de travailler le
jour du Seigneur. Le pasteur avait des principes rigides. Il n’acceptait qu’on
travaille ce jour-là que lorsqu’un orage ou la grêle pouvait mettre en danger
une récolte.
Bref, désœuvré, le
jeune homme allait d’un bât iment à
l’autre, dressant l’oreille chaque fois qu’il soupçonnait le passage d’un
véhicule dans le rang. Alors, il scrutait la route. Finalement, quelques
minutes après quatorze heures, il entendit le bruit caractéristique d’une
automobile. Il sortit précipitamment de la remise, juste à temps pour voir
passer une Ford T couverte de boue. Sans
bouger de son poste d’observation, le jeune homme surveilla pour s’assurer qu’il
s’agissait bien de la voiture du mari de la cousine Rachel. Il y avait tout de
même peu de chance que cette auto appartienne à quelqu’un d’autre : personne
dans la paroisse ne possédait une automobile. Lorsqu’il vit le véhicule entrer
dans la cour des Veilleux, il retourna dans la maison d’un air faussement détaché et monta à l’étage. Une fois dans
sa chambre, il changea de vêtements et se coiffa avec soin, prêt à répondre au
moindre signe de vie de Céline. Ensuite, il descendit rejoindre ses parents et
sa sœur Claire qui se reposaient sur le balcon.
Quelques minutes
plus tard, les Tremblay virent passer l’automobile en direction du village.
– Seigneur !
s’exclama Thérèse Tremblay. Si c’est le mari de la cousine, on peut pas dire qu’il
ait moisi chez nos voisins.
– Pas
surprenant ! dit Eugène, rancunier. Ça doit en être un autre qui lui aime
pas la face.
Le
véhicule venait à peine de passer que Clément vit sortir de la cour des Veilleux
Jean-Paul, l’un des jeunes frères de Céline. Le garçon venait chez les Tremblay.
– Ma sœur
aimerait ça te parler, dit-il à Clément depuis la route.
Clément
ne se fit pas répéter l’invitation. Il descendit du balcon et suivit Jean-Paul
sans faire de commentaire.
– Elle a le
tour, la Céline, fit Claire dans un gloussement. Elle a juste à siffler et
notre grand tata se dépêche d’y aller.
– Mêle-toi
donc pas de ça, ma fille, gronda sa mère, sévère. C’est clair comme de l’eau de
roche que ton frère l’aime. Il aurait pu tomber sur une fille bien pire qu’elle.
À son arrivée devant la demeure des
Veilleux, Clément vit Céline, vêtue d’une robe vert pâle, sortir précipitamment
de la maison et s’élancer vers lui, sous le regard désapprobateur de sa mère, debout
devant sa plate-bande de fleurs. Le visage rayonnant de bonheur, la jeune fille
prit son amoureux par la main. Cette réception chaleureuse fit oublier au jeune
homme, durant un instant, tous les reproches qu’il voulait formuler .
– Viens t’asseoir
à l’ombre, l’invita Céline en le tirant vers la balançoire placée sous l’érable
centenaire, à droite de la maison. J’ai toutes sortes d’affaires à te raconter.
Clément,
souriant, la suivit et prit place à ses côtés pendant qu’Ernest Veilleux, assis
sur le balcon, renouait avec son rôle de chaperon en poussant un soupir d’exaspération.
Sa femme vint bientôt le rejoindre pour profiter avec lui de ce calme dimanche
après-midi de juin.
– Dis donc, Céline.
Je te regarde et il me semble que tes cheveux sont encore plus courts que quand
t’es partie, dit Clément. Ils sont même rendus pas mal plus courts que ceux de
ta sœur.
– Tiens, tu
regardes la longueur de mes cheveux maintenant, Clément Tremblay, nota Céline, moqueuse.
Rachel me les a coupés avant que je parte. Ma mère s’en est aperçue quand je
suis arrivée tout à l’heure. Je te dis qu’elle était
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