Les années folles
toi
qui le dis, rétorqua Clément en riant.
Cependant,
le jeune homme ne put s’empêcher de jeter un bref coup d’œil encore une fois
vers le balcon. Ernest Veilleux arborait un air renfrogné d’assez mauvais
augure. Il avait sa tête des mauvais jours. Sa femme était rentrée à l’intérieur
de la maison.
– Peut-être
que je ferais mieux d’attendre un autre jour ? proposa-t-il à voix basse. Ton
père a pas l’air ben de bonne humeur.
– Aie, Clément
Tremblay ! T’es pas pour reculer comme un pissou. Envoyé ! C’est
aujourd’hui que tu fais ta grande demande ou bien je change d’idée.
– Tout de
suite ?
– Tout de
suite, confirma la jeune fille en quittant le siège de la balançoire et en le
tirant par la main.
Les jambes un peu flageolantes, Clément s’approcha balcon où était
peut-être assis son futur beau-père, Céline le suivait, quelques pas derrière.
– Monsieur
Veilleux, est-ce que je peux vous parler ? demanda-t-il d’une voix un peu
changée par l’émotion.
– Ouais, répondit
Ernest d’un ton rogue. J’ai encore jamais mangé quelqu’un qui voulait me parler.
– Ben, voilà.
Je voulais vous dire que, comme vous, j’ai eu peur que Céline décide de plus
revenir à Saint-Jacques.
Ernest Veilleux
ouvrit de grands yeux en entendant le cavalier de sa fille dire une chose
pareille, mais il ne dit rien.
– Ça fait que
je pense avoir trouvé un bon moyen de lui ôter le goût de retourner en ville, poursuivit
le jeune homme.
– Ah oui !
Lequel ?
– J’ai pensé
que si vous me donniez sa main, elle ait plus le choix de rester ici.
– Attends une
minute, toi ! lui ordonna le cultivateur cessant soudain de se bercer. Est-ce
que j’ai ben compris ce que tu viens de dire ? Tu viens de me demander ma
fille en mariage ?
– C’est ben
ça, confirma le jeune homme d’une voix peu assurée. Je lui en ai parlé et elle
est d’accord, monsieur Veilleux.
– Comment
vous all ez
vous organiser pour vivre, tous
deux ? demanda Ernest, sur un ton sévère.
– J’ai un peu
d’argent de ramassé et je pense aller travailler au chantier l’hiver prochain
pour en avoir assez pour acheter une terre à Saint-Jacques ou à Saint-Gérard, si
j’en trouve pas une dans la paroisse.
Ernest
Veilleux sembla s’abîmer dans un long silence pendant que les deux jeunes, debout
à ses côtés sur le balcon, attendaient son verdict avec une impatience mal
dissimulée.
– Yvette !
appela finalement le père de famille en se tournant vers la porte-moustiquaire.
La
mère avait dû assister, silencieuse, à la grande demande du jeune voisin parce
qu’elle apparut tout de suite. Elle était debout dans la cuisine d’été, assez
près de la porte-moustiquaire pour avoir tout entendu.
– Qu’est-ce
qu’il y a ?
– Viens donc
ici une minute.
Yvette
sortit à l’extérieur.
– Clément
vient de me demander la main de Céline. Qu’est-ce que t’en penses ?
– C’est à toi
de décider, mon vieux.
– Bon. OK, je
te la donne, consentit-il, comme à contrecœur. Qu’est-ce que tes parents en
pensent, de ton idée ?
– Je leur en
ai pas encore parlé, monsieur Veilleux, admit Clément. J’attendais que Céline
revienne et que vous me disiez si vous vouliez ou pas qu’on se marie.
– T’as pas
pensé que tu pourrais rester chez ton père avec ta femme au lieu de te chercher
une terre le printemps prochain ?
– Il y a
encore cinq enfants dans la maison chez nous. Mon père pourra se débrouiller
avec Gérald. Lionel va arrêter d’aller à l’école l’année prochaine et il va pouvoir
les aider. Chez nous, c’est un peu comme ici. Vous avez trois garçons capables
de vous donner un coup de main.
– Pour les
fiançailles, intervint Yvette. Est-ce que vous avez pensé à Noël ?
– Si je me
trouve une job au chantier, c’est sûr que je serai pas ici à Noël, madame
Veilleux. On pourrait peut-être se fiancer le 15 septembre, le jour de la fête
de Céline, si ça vous dérange pas trop.
– Ce
serait une bonne idée, dit la jeune fille. Qu’est-ce que vous en pensez, m’man ?
– C’est
correct.
– Quand
est-ce que vous pens ez vous marier ? demanda à son tour le père de famille.
– Ce sera pas
possible avant le début de l’été prochain, expliqua Clément. Le temps de s’organiser
quand je serai de retour du chantier.
– De
toute façon, vous avez encore bien le temps de penser
Weitere Kostenlose Bücher