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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Henri-Paul Letendre avait rapporté le morceau de
tissu.
    Claire fronça les
sourcils en examinant le tissu de plus près.
    – C’est drôle,
mais j’ai l’impression d’avoir vu ce matériel-là bien des fois et j’arrive pas
à me rappeler où.
    À cet instant précis, Claire leva la tête
et vit son frère Gérald qui revenait de l’étable et se dirigeait vers le balcon
où elle était assise avec Hubert. L’adolescent salua en passant l’ami de sa sœur
tout en jetant un coup d’œil chiffon qu’il tenait à la main.
    – Tiens !
On dirait les culottes de Tougas ! lança-t-il en riant.
    – Mais oui !
s’exclama immédiatement Claire. C’est sur le petit Tougas que j’ai vu ce
matériel-là.
    – Tu en es
sûre ? demanda Hubert.
    – Voyons, monsieur
Gendron, fit Gérald. Je pense l’Emile Tougas est le seul à avoir le front de
porter des pantalons de cette couleur-là dans la paroisse. Vous, en
porteriez-vous des comme ça ?
    – Sûrement
pas, répondit l’ingénieur en riant.
    Hubert
Gendron attendit que l’adolescent entre dans la maison pour reprendre à voix
basse, à l’intention de Claire :
    –  Le problème, c’est qu’on a eu toutes
sortes d’outils qui sont disparus du chantier depuis quelques semaines. Je dis
pas qu’ils ont été volés par…
    – Emile
Tougas.
    – Par Emile
Tougas. Est-ce que c’est possible ?
    – On peut pas
dire que les garçons d’Antonius Tougas ont une bien bonne réputation dans la paroisse,
déclara prudemment Claire. Emile, le plus jeune, est peut-être le pire.
    À ce moment-là, Eugène revint sur le balcon
avec sa pipe et sa blague à tabac. Il avait entendu la dernière remarque de sa
fille et décida de se mêler à la conversation.
    – As-tu l’intention
de faire venir la police ? demanda-t-il abruptement à l’ingénieur.
    – D’après
vous, est-ce que je devrais ?
    –  Je le sais pas trop, avoua le cultivateur
en allumant sa pipe. Antonius et sa femme en arrachent tellement avec leurs
garçons. Je pense qu’il y a juste René qui a un peu de bon sens dans la famille.
Si la police va les voir, toute la paroisse va en parler et ça va être la honte
de leur vie.
    Hubert regarda
Claire qui semblait approuver son père.
    – D’un autre
côté, j’aimerais récupérer ce qui nous a été volé, dit le jeune ingénieur. Je
pense que je vais d’abord aller voir les Tougas avec mon chef de chantier. S’il
y a moyen de se faire remettre ce que les jeunes ont volé, on va arrêter ça là.
Je voudrais surtout pas causer du tort aux parents.
    Cette
décision charitable plut énormément à Claire. Elle découvrait une sensibilité
et une générosité chez Hubert Gendron que son Paulin Dufresne ne lui avait
jamais manifestées. Lorsque l’obscurité tomba, l’ingénieur se leva, prêt à
quitter.
    – Je pense qu’il
est temps que je rentre, dit-il avec un sourire. Il pleut plus et on dirait que
tous les maringouins de Saint-Jacques viennent de sortir en même temps.
    – Si t’es pas
pressé, tu peux venir t’asseoir un peu dans le salon, proposa Claire sans
réfléchir, tant cette offre lui semblait devenue tout à coup naturelle.
    – Avec
plaisir, accepta Hubert en la suivant à l’intérieur de la maison où il n’avait
pas mis les pieds depuis le jour où il avait acheté une courtepointe.
    Pendant qu’elle marchait devant lui, la jeune femme se sentait
inexplicablement soulagée d’un grand poids. Pour la première fois depuis près
de cinq ans, elle allait s’asseoir dans le salon familial auprès d’un homme qui
semblait l’apprécier. Avant d’entrer dans la pièce, elle tendit à Hubert une
lampe à huile pour qu’il l’allume, et tous les deux prirent place sur le sofa.
    Thérèse avait
salué l’ingénieur au passage et l’avait regardé suivre sa fille jusqu’à l’entrée
du salon en arborant un air satisfait. Elle s’installa ensuite dans la chaise
berçante placée près du poêle pour surveiller le couple.
    Quand Hubert
Gendron quitta la maison une heure plus tard après avoir salué les parents de
Claire, cette dernière ne put s’empêcher de dire à sa mère, qui n’avait pas
bougé de sa chaise berçante :
    – C’était pas
nécessaire de nous chaperonner, m’man.
    – Laisse
faire, ma fille. Ici, c’est une maison qui se respecte. C’est pas parce que t’as
vingt-six ans qu’on doit pas te surveiller. La réputation d’une fille, c’ est ce qui vaut le

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