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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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était assise
sur le balcon ou en train de s’occuper des fleurs du parterre, devant la maison.
    –  Qu’est-ce
que t’attends pour l’inviter à passer au salon ? finit par lui demander sa
mère.
    – C’est
pas mon cavalier, m’man, se défendait mollement sa fille aînée. Il m’a jamais
demandé d’entrer dans la maison.
    – Si
c’est pas ton cavalier, ça lui ressemble pas mal, tu trouves pas ? Il
vient t e voir presque tous
les soirs.
    – Il vient
pas me voir, protestait la jeune fille. Il fait une marche et il aime pas marcher
tout seul, c’est tout.
    – D’abord,
pourquoi il demande pas à Bruno Pierri ou même à Clément de marcher avec lui ?
    – Parce qu’ils
ont pas le même âge que lui, m’man, répondait Claire avec une mauvaise foi
évidente qui cachait mal son inconfort. Il faut croire qu’il aime mieux parler
avec moi.
    – En tout cas,
ces marches-là doivent faire pas mal jaser dans le rang. Tout le monde doit se
demander pourquoi vous êtes en train de vous promener comme des vagabonds au
lieu d’être assis dans la balançoire ou au salon.
    La
célibataire savait fort bien que sa mère avait raison. Cent fois déjà, elle
avait failli succomber à la tentation d’inviter Hubert à entrer et à passer au
salon. Elle avait su résister. Chaque fois, le souvenir de Paulin Dufresne l’avait
empêchée de franchir le pas. Elle n’allait tout de même pas revivre ce qu’elle
avait vécu cinq ans auparavant. À la seule pensée de celui qui l’avait
abandonnée après lui avoir promis le mariage, les larmes lui venaient encore
aux yeux. Donner son cœur à quelqu’un pour se faire rejeter ensuite sans aucune
explication… Pas question de revivre ça ! Elle s’était juré de ne plus
jamais tomber amoureuse. Elle avait trop souffert. Mais avec Hubert, c’était
autre chose.
    Le jeune homme
était d’une correction exemplaire. Jamais un mot à double sens ou un geste
déplacé. Il était gai et plein d’humour, intéressant et instruit. Sans en avoir
nettement conscience, Claire Tremblay comparait parfois les deux hommes.
    – Il va faire
comme l’autre, se disait-elle parfois pour se convaincre de tenir Hubert
Gendron à distance. Quand le pont va être construit, il va partir et je le reverrai
plus.
    Pourtant,
en ce début de soirée de la troisième semaine du mois d’août, Claire avait pris
la peine de vérifier sa toilette et sa coiffure après avoir aidé sa mère et ses
sœurs à ranger la cuisine après le repas. Ensuite, elle était sortie s’asseoir
sur le balcon aux côtés de son père, sous le prétexte de profiter de la petite
brise qui venait de se lever.
    – Je pense
pas que tu puisses aller marcher à soir, lui fit remarquer Eugène au moment
même où Hubert Gendron apparaissait sur la route, devant la maison. Il commence
à mouiller. Pour moi, il y a juste ton ingénieur à qui ça a pas l’air de faire
peur de se faire mouiller.
    Hubert
salua poliment en passant lentement devant chez les Tremblay. Il était évident
que le jeune homme n’attendait qu’une invitation pour s’arrêter.
    – C’est pas
humain de le laisser comme ça se faire mouiller, dit tout bas Thérèse Tremblay,
de l’autre côté de la porte-moustiquaire. Invite-le donc à venir se mettre à l’abri.
    Ces
paroles de sa mère semblèrent décider Claire, qui se leva.
    – Hubert, si
le cœur t’en dit, fit la jeune fille, il y a une chaise pour toi sur notre balcon.
C’est pas mal plus sec que sur la route.
    – Je ne
voudrais pas vous déranger, dit l’ingénieur en s’adressant autant au père qu’à
la fille tout en s’avançant vers eux.
    Hubert
Gendron monta sur le balcon et enleva son chapeau.
    – T’as pas
peur au rhume ? lui demanda Claire en constatant que ses vêtements étaient
mouillés.
    – La pluie
est chaude, il y a pas de danger. Je suis habitué à n’importe quel temps sur
les chantiers.
    – Bon.
Vous m’excuserez, les interrompit Eugène, mais il faut que j’aille me hacher du
tabac.
    Sur
ces mots, le père laissa les deux jeunes gens seuls sur le balcon. Pendant
quelques minutes, ils parlèrent de choses et d’autres avant qu’Hubert sorte de
l’une de ses poches le morceau de tissu à carreaux verts et bruns qu’il brandit
devant Claire.
    – Qu’est-ce
que c’est ? demanda celle-ci, intriguée.
    L’ingénieur
lui raconta la tentative de vol de la nuit précédente sur le chantier et
comment l’un des chiens de

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