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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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d’octobre.
Le plus difficile s’avéra le nivellement de la bande de terrain qui longeait le
côté droit du rang Saint-Edmond. Faute de machinerie, tout dut être fait au pic
et à la pelle.
    Par ailleurs, Wilfrid
Giguère, le maire, avait accepté avec reconnaissance les coffrages en bois des
piliers du pont offerts par Hubert Gendron. Après avoir consulté ses supérieurs,
ce dernier avait reçu la permission d’en faire don à la municipalité. Pour le
reste du bois nécessaire, on l’avait acheté à bas prix au moulin de sciage appartenant
au frère du maire.
    – Ben voyons !
avait grommelé Ernest Veilleux en apprenant la nouvelle. Pourquoi pas
engraisser la famille ?
    – Là, par
exemple, je peux pas dire comme toi, Ernest, avait dit un Honoré Beaudoin un
peu mal à l’aise.
    – Et pourquoi
ça ?
    – Parce que c’est
moi qui s’est occupé d’acheter le bois pour la paroisse. Le frère de Giguère
nous a chargé pas mal moins cher que ce que Murray nous demandait.
    Fort
habilement, le maire de Saint-Jacques avait chargé son unique opposant au
conseil de négocier l’achat du bois, faisant ainsi taire toutes les critiques
des conservateurs de la municipalité.
    La corvée fut une
réussite complète. Les menuisiers bénévoles furent quotidiennement si nombreux
qu’en moins de dix jours, le travail fut terminé à la plus grande satisfaction
de la plupart des habitants de Saint-Jacques-de-la-Rive, à l’exception
peut-être d’Hélèna Pouliot, que la vue de l’ouvrage mettait en furie. Elle n’acceptait
pas encore que ce trottoir s’étende uniquement de l’autre côté de la route. Elle
rageait de se voir obligée de traverser pour pouvoir profiter de ce confort
relatif.
    – C’est
intelligent leur patente, ne cessait-elle de répéter à ses clients. Tout sur le
même bord de la route. Vous me ferez jamais croire que Wilfrid Giguère était
pas capable de s’organiser pour en faire poser la moitié de ce bord-ci de la
route. Je suis certaine qu’il a fait ça juste pour mal faire. C’est fin ! En
face, ils vont marcher sur du bois bien propre pendant que de ce côté-ci, on va
patauger dans la bouette jusqu’aux chevilles chaque fois qu’il va mouiller. Et
qui va être pogné pour continuer à laver son balcon et son plancher de magasin
chaque fois ? La folle à Hélèna Pouliot !
    – Voyons, madame
Pouliot, disaient certains clients pour la calmer, ce sera pas pire qu’avant.
    – C’est ça, le
maudit problème, s’emportait l’épicière irascible. C’est pas mieux qu’avant. Mais
le Wilfrid Giguère l’emportera pas au paradis ; je vous en passe un papier.
Attendez aux prochaines élections ! Il va me payer ça !
    Si
Hélèna Pouliot était de mauvaise humeur en cette fin dété, il en allait de même
d’Yvette Veilleux, aux prises avec l’entêtement de son fils Léo qui ne voulait
absolument pas retourner à l’école faire sa septième année, adolescent jugeait
qu’il en savait assez et qu’il était maintenant en mesure d’aider son père et
son frère Jérôme à la ferne.
    Depuis la fin des
classes, au mois de juin précédent, Léo s’était montré d’un zèle assez
inhabituel. Aucun travail n’avait semblé le rebuter. C’était au point que son
père avait fini par lui accorder la même confiance qu’à son frère plus âgé. Quand
Albert était venu aider à la récolte des foins, il n’en avait pas profité pour
relâcher ses efforts, loin de là. Bref, plus la rentrée scolaire approchait, plus
Léo travaillait. Il participa même à la récolte de l’avoine, malgré que sa
présence ne fut pas vraiment nécessaire, mais sa mère n’était pas dupe.
    La veille de la
rentrée, Yvette attrapa son fils au moment où il s’apprêtait à suivre son père
dans le champ, après le dîner.
    – Avant de
partir, tu vas me sortir le linge que tu vas mettre pour aller à l’école. J’ai
l’impression que t’as grandi cet été et il va falloir que j’allonge tes pantalons.
    – Mais je
vais plus à l’école, déclara l’adolescent en poussant une mèche de cheveux
bruns qui venait de lui tomber dans l’œil.
    – Qui
a décidé ça ? lui demanda sa mère en se plantant devant lui, les mains sur
les hanches.
    – Ben. Il me semble
qu’on en avait parlé au mois de juin, m’man, fit Léo. Je sais lire et écrire. J’ai
plus besoin d’ y aller.
    Yvette
jeta un coup d’œil à son mari en train de remplir sa blague

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