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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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hissèrent sur leurs épaules avant de se
diriger, à pas comptés, vers la sortie, suivis de près par la famille immédiate
et les marguilliers de la paroisse.
    Sous une fine
pluie, on déposa la bière sur la longue voiture noire à laquelle étaient attelés quatre chevaux. Deux automobiles et plusieurs
bogheis vinrent se ranger derrière. Au signal de Conrad Desfossés, le convoi se
mit lentement en branle devant une double haie de spectateurs émus. Un silence
pesant régnait sur la foule maintenant rassemblée près de l’église et le long
de la route. Les hommes enlevèrent leur chapeau en signe de respect quand le
convoi passa devant eux.
    Ce soir-là, plus d’un
habitant de Saint-Jacques-de-la-Rive se demanda à quel point la vie de leur
paroisse allait être transformée par la disparition de leur vieux curé. Déjà, quelques-uns
étaient prêts à parie r que l’abbé Martel allait remplacer le
curé Lussier et que l’évêché allait lui adjoindre un nouveau vicaire… Ceux qui
croyaient cela se trompaient lourdement.
    Trois jours plus
tard, au début de l’après-midi, un coup de sonnette impératif fit sursauter
violemment Hortense Dagenais, occupée à ranger le salon du presbytère. Elle
abandonna son chiffon sur une table pour aller répondre à la porte. Elle se retrouva
en face d’un petit ecclésiastique mince, d’une cinquantaine d’années, au visage
en lame de couteau et dont les yeux noirs, retranchés derrière des lunettes
sans monture, la dévisageaient sans cligner.
    – Bonjour
madame. Je suis Evariste Beaulieu, le nouveau curé de la paroisse, dit l’homme
d’un ton doucereux en déposant à ses pieds une petite valise. Vous êtes madame… ?
    – Madame
Dagenais, la cuisinière, monsieur le curé.
    – Très bien. Deux
hommes me suivent avec mes effets personnels. Est-ce que la chambre de mon
prédécesseur a été libérée ? demanda le petit prêtre en s’avançant dans le
couloir comme en pays conquis.
    – Oui, monsieur
le curé.
    – Vous
voudrez bien être assez aimable pour leur montrer où mettre mes affaires. Où
est mon vicaire ?
    –  À l’école
du rang Saint-Edmond, monsieur le curé.
    – Parfait. Je
suppose que mon bureau, c’est là ? fit le prêtre en désignant la porte de
ce qui était effectivement l’ancien bureau du curé Lussier.
    – Oui.
    – Les effets
du curé Lussier ont-ils été enlevés ?
    – Le
lendemain de sa mort, monsieur le curé.
    – Très bien, madame.
Vous m’enverrez l’abbé Martel quand il rentrera.
    Sur
ces mots, sans plus de cérémonie, le nouveau curé pénétra dans son bureau et
referma la porte derrière lui.
    Dès le lendemain, la
nouvelle de l’installation d’un nouveau curé avait fait le tour de la paroisse.
Les habitués de la messe matinale avaient été les premiers à commenter son
arrivée en sortant de l’église.
    – Bout de
corde ! s’était exclamée la veuve Boisvert. Voulez-vous bien me dire où
monseigneur Côté a déniché un petit prêtre qui a juste la peau et les os comme
ça ?
    – C’est vrai
qu’il est pas bien gros, renchérit Hélèna Pouliot, qui était venue à la messe
plus par curiosité que par piété.
    – J’ai bien
peur, ma pauvre Hélèna, que ta cousine a pas fini de faire la cuisine avec un
maigrichon comme ça. Ça va prendre un bon bout de temps avant de l’engraisser.
    – Pour moi, il
sort d’une paroisse bien pauvre, fit le vieux Charles Labonté en se mêlant à la
conversation des commères qui s’étaient arrêtées au pied du parvis pour
échanger leurs impressions.
    – Je le sais
pas, fit la veuve Boisvert, mais en tout cas, il est pas greyé pour faire bien
peur au monde. C’est loin d’être le curé Lussier. Celui-là, il a l’air tout
doux, tout délicat. Pour moi, ses sermons vont être pas mal moins longs et
moins durs. Ce sera toujours ça de gagné.
    Après
avoir longuement épilogué sur la déconvenue probable de l’abbé Martel, à qui on
n’avait pas offert la cure de Saint-Jacques-de-la-Rive, et les embûches qui
attendaient le successeur du curé Lussier, les vieux habitués de la messe
matinale s’étaient dispersés pour aller déjeuner.
    Le dimanche
suivant, les paroissiens qui avaient cru que le curé Beaulieu allait être
beaucoup plus effacé qu’Antoine Lussier durent vite revenir de leurs illusions.
Le petit prêtre tonna durant près de trente-cinq minutes du haut de la chaire
contre toutes les formes de

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