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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Ernest.
    – Tu soupes
avec nous autres, l’invita Yvette.
    – J’haïrais
pas ça, mais ma femme va s’inquiéter de voir que je reviens pas. Ce sera pour
une autre fois.
    Là-dessus,
Philibert Dionne se leva et remit son manteau et ses bottes .
    – As-tu l’intention
d’aller chercher la malle à la gare de Pierreville demain matin avec tes chiens ?
lui demanda Ernest.
    – Si la
tempête est pas finie, j’aurai pas le choix. De toute façon, j’ai ben peur d’être
obligé de le faire parce que je pourrai pas attendre que chaque cultivateur ait
dégagé sa portion de chemin pour monter à Pierreville. Chaque hiver, c’est la
même histoire : il y en a qui se traînent les pieds et qui attendent pas
mal tard pour nettoyer. C’est de valeur que ce soit comme ça parce que c’est
pas mal plus vite avec mon cheval et ma sleigh.
    – C’est sûr
que c’était pas mal mieux du temps que Desjardins était maire, déclara Ernest.
    – Je sais pas
trop, fit prudemment le postier, peu désireux de s’engager dans la querelle qui
opposait le clan Veilleux à celui de Tremblay.
    – Rappelle-toi,
Philibert, quand le gros Desjardins était maire. Lui, il se gênait pas pour
venir avertir ceux qui entretenaient pas leur bout de chemin assez vite. Tu
verras pas Wilfrid Giguère faire ça. Il a ben trop peur de perdre un vote aux
prochaines élections.
    – Ça se peut,
dit Dionne, la main sur la poignée de la porte. Bon. Il faut que j’y aille. À la
prochaine et merci pour vos politesses.
    Le postier quitta la maison et replongea dans la tempête qui n’avait
vraiment pas l’air de s’essouffler.
    –  En tout cas,
nous autres, on sort pas de la maison de la soirée, déclara Ernest aux siens. Au
chaud, proches du poêle, on va être ben.
    Après
le repas, les plus jeunes s’installèrent au bout de la table pour apprendre
leurs leçons à la lueur de la lampe à huile pendant qu’Yvette et ses deux
filles découpaient des carrés de tissu dans de vieux vêtements avec l’intention
de fabriquer une courtepointe.
    Vers vingt et une
heures trente, Ernest donna le signal du coucher. Il jeta un coup d’œil par la
fenêtre.
    – Le vent va
ben finir par tomber, dit-il à sa femme. Mais là, il fait trop noir pour voir s’il
neige toujours aussi fort. Pour moi, demain matin, ça va être fini, cette
tempête-là.
    – On fait la
prière, annonça Yvette en allant ranger ses ciseaux pendant qu’Anne et Céline
plaçaient les carrés de tissu dans une poche de jute.
    Après
la prière en famille, les jeunes montèrent à l’étage. Ernest mit une grosse
bûche d’érable dans le poêle avant de prendre la direction de la chambre à
coucher où sa femme était déjà en train de se déshabiller.
    Quelques
arpents plus loin, chez les Tremblay, tout le monde se mit au lit un peu après
vingt-deux heures. Bien enfouis sous d’épaisses couvertures, chacun s’endormit
au son du vent qui hurlait à l’extérieur, comme prêt à arracher la toiture.
    Soudain, Thérèse
ouvrit les yeux dans le noir. Elle aurait été incapable de préciser depuis
combien de temps elle dormait, mais quelque chose venait de la réveiller. Aux
aguets, elle attendit dans le noir. Des bruits sourds semblant provenir de la
cuisine lui parvinrent alors. Elle s’assit dans le lit et secoua sans
ménagement son mari qui ronflait à ses côtés.
    – Eugène !
Eugène ! Réveille-toi ! Il y a quelqu’un qui frappe à la porte.
    – Voyons donc !
protesta le cultivateur en reprenant difficilement pied dans la réalité. Pour
voir s’il y a quelqu’un d’assez fou pour sortir la nuit en pleine tempête.
    – Écoute !
lui ordonna Thérèse en tendant l’oreille. Je te le dis qu’il y a quelqu’un dehors !
répéta-t-elle en allumant la lampe à huile déposée sur sa table de chevet. Va
voir ce que c’est !
    Eugène
Tremblay posa les pieds sur le plancher froid de la chambre et enfila son
pantalon en ronchonnant. Dès qu’il ouvrit la porte de la chambre, le mari et la
femme entendirent beaucoup plus clairement le bruit. Quelqu’un criait et
frappait bien à coups redoublés à la porte.
    – Baptême !
C’est pourtant vrai ! s’écria le cultivateur en saisissant la lampe à
huile que lui tendait Thérèse, encore assise dans le lit.
    L’homme
à la stature imposante se précipita dans la cuisine et alla ouvrir la porte. Des
flocons de neige poussés par une bourrasque de vent entrèrent dans la

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