Les années folles
mes parents à Drummondville si mon frère pense à
venir me chercher au jour de l’ An et
surtout, si ça dérange pas vos plans.
– C’est
parfait. Demain soir, s’il fait beau, je vais aller souper chez ma sœur à
Yamaska et au jour de l’ An , vous
pourrez aller visiter votre parenté. Vous vous rappelez que je vous ai dit qu’à
Noël et au jour de l’ An , notre
cuisinière prend toujours congé après le dîner. Ça va être la même chose cette
année. Ordinairement, madame Cournoyer nous laisse notre souper à réchauffer
nous-mêmes. Cette année, même si elles sont deux, je vais leur donner le même
congé.
– Il y a pas
de problème, monsieur le curé, fit le vicaire, accommodant.
Au
début de la soirée, une petite neige folle se mit à tomber sur
Saint-Jacques-de-la-Rive et la région. Dans le rang Sainte-Marie, des lampes à
huile brillaient faiblement dans presque tous les foyers en cette veille de la
Nativité. À vrai dire, il n’y avait que la maison de Germain Fournier qui était
plongée dans le noir. Pourtant, le propriétaire devait être présent puisque de
la fumée sortait de la cheminée.
Deux maisons plus
loin, chez les Tremblay, on avait dressé la table du réveillon dès qu’on eut
lavé et rangé la vaisselle du souper. Aline avait accepté d’aller garder les
jeunes enfants des Hamel pour permettre à Georges et à Rita d’aller à la messe
de minuit. Sa sœur Claire, pour sa part, avait choisi de demeurer à la maison
pour voir à la cuisson de ce qui allait être servi au réveillon. Elle irait à
la basse-messe, le matin de Noël en compagnie d’Aline. Ainsi, ses parents et
ses frères pourraient s’entasser dans la sleigh.
Pendant ce temps, les
Veilleux étaient déjà en train de se préparer au départ pour l’église.
– On part pas
plus tard qu’à dix heures avait déclaré Yvette aux siens.
– Sacrifice !
m’man, s’était exclamé Albert arrivé par le train à la fin de l’après-midi avec
son frère Maurice, on va avoir le temps de ressasser nos vieux péchés en masse
en arrivant aussi de bonne heure.
– Si tu vas
au village à pied avec tes frères, lui fit remarquer son père, t’arriveras pas
si de bonne heure que ça. As-tu déjà oublié qu’il y a un bon mille et demi à
marcher ?
– Vous
pourriez atteler l’autre cheval au gros traîneau et nous autres, on irait à l’église
avec la sleigh, reprit Yvette Veilleux.
– Bien
non, m’man. Il fait doux dehors. Ça va juste nous faire du bien de marcher
après le bon souper que vous nous avez servi, intervint Maurice, le frère
mariste.
– Attends de
voir ce que tu vas manger au réveillon, promit sa mère, heureuse de voir ses
deux grands fils de nouveau à la maison. Ça va te donner des couleurs.
– Je pourrais
peut-être aller à la messe à pied avec les garçons, proposa Céline, sur un ton
faussement désinvolte.
La jeune fille n’avait cessé de chercher des moyens de rencontrer
Clément depuis le dimanche précédent. Elle venait de
penser qu’elle pourrait bien avoir l’occasion de le croiser sur la route et, peut-être
même, de monter dans la sleigh des Tremblay en route vers le village.
– Il en est
pas question, fît sa mère. C’est pas la place d’une fille
de ton âge de courir les chemins à la noirceur.
– Mais m’man,
il va y avoir Albert, Maurice et Jérôme.
– Non. T’embarques
dans la sleigh avec les jeunes, déclara sa mère sur un ton sans appel. À moins
que t’aimes mieux rester ici avec Anne pour préparer la table du réveillon. Tu
pourrais toujours aller à la basse-messe, demain matin.
– Non. C’est
correct, se résigna la jeune fille, à contrecœur.
Au
village de Saint-Jacques-de-la-Rive, la soirée de la veille de Noël était sûrement
la seule de l’année où il régnait une telle activité. Dès dix heures, les
membres de la chorale s’étaient engouffrés dans l’église pour une dernière
répétition. Une demi-douzaine de paroissiens les avaient suivis pour aller se
confesser au curé Lussier. Déjà, des berlots, des sleighs, de gros traîneaux et
quelques catherines étaient garés devant le temple. Quelques conducteurs
avaient eu la sagesse de s’entendre au préalable avec des amis, des parents ou
des connaissances vivant au village pour abriter leur cheval dans leur écurie, le
temps de la cérémonie. Ils revenaient lentement à pied sur la route, se
rangeant prudemment le long du banc de
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