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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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père.
    – Ouais, on y
va.
    Assis
devant la fenêtre, Ernest Veilleux regarda à l’extérieur quand il entendit un
traîneau entrer dans sa cour.
    – Ça parle au
diable ! s’exclama-t-il. Pas encore Tit-Phège Turcotte ! Ça fait deux
fois qu’il vient cette semaine, ajouta le cultivateur avec mauvaise humeur. Ce
maudit fatigant-là pourrait pas aller s’échouer ailleurs de temps en temps !
    – Je pense, p’ pa, qu’il haït pas trop votre caribou, lui
fit remarquer son fils de seize ans.
    – Ouais !
Puis en plus, il colle jusqu’à temps qu’on l’invite à dîner, compléta son père
en se levant de sa chaise berçante.
    On entendit des bruits de pas sur le balcon. Elphège Turcotte heurtait
ses pieds l’un contre l’autre pour en faire tomber la neige. Il frappa à la
porte des Veilleux. Ernest alla lui ouvrir en traînant un peu les pieds.
    À quarante-huit ans, Elphège Turcotte
était un célibataire à la laideur sympathique. L’homme de taille moyenne n’avait
déjà plus qu’une couronne de cheveux poivre et sel. Son menton en galoche
faisait oublier la taille fort respectable de son nez. Il était toujours de
bonne humeur et d’un optimisme à toute épreuve. « Le jour où Tit-Phège Turcotte
s’en fera avec quelque chose, disait-on à Saint-Jacques-de-la-Rive, c’est qu’il
va être pas loin de son lit de mort. »
    Mais il ne faut
surtout pas croire qu’Elphège Turcotte ne comptait que des admirateurs. Bien au
contraire. On ne se gênait pas dans la paroisse pour les critiquer, lui et sa sœur.
Tous les deux avaient la regrettable réputation d’être de fieffés paresseux, toujours
prêts à profiter de la bonté des gens. Si Rose-Aimée passait le plus clair de
ses journées à lire dans sa chaise berçante, son frère préférait traîner chez
les voisins plutôt que de s’occuper de la petite ferme dont ils avaient hérité
de leurs parents.
    Je passais devant
ch ez vous , dit le visiteur en entrant. Je me suis
dit que j’étais pas pour te faire l’insulte de pas m’arrêter te dire bonjour.
    – C’est ben
poli de ta part, répliqua Ernest sans aucun enthousiasme. Viens t’asseoir une
minute pour te réchauffer. Justement, j’allais partir bûcher avec mon gars.
    – Je voudrais
surtout pas t’empêcher d’aller travailler, fît le visiteur en prenant place tout de même dans la chaise berçante que lui
désignait son hôte.
    – Toi, t’as
pas encore commencé à bûcher ?
    – Non, mais
après les fêtes, il va falloir que je le fasse. C’est pas facile tout seul. J’ai
pas la chance d’avoir, comme toi, un grand gars pour m’aider.
    – Il y a rien
qui t’empêche de te marier, mon Tit-Phège, plaisanta Ernest.
    – Je le sais
ben. Sais-tu, je regarde tes deux filles, là. Je me demande laquelle ferait le
plus mon affaire, dit en riant Elphège Turcotte en adressant un clin d’œil à
son hôte.
    – Je pense
que t’es mieux de regarder pour une femme un peu plus vieille, intervint Yvette
en descendant l’escalier intérieur qui conduisait à l’étage. Mes filles
seraient jamais capables d’endurer les manies d’un vieux garçon comme toi.
    – Surtout que
j’ai pas une grosse santé.
    – Bon, qu’est-ce
que t’as encore ? lui demanda Yvette, habituée aux maladies imaginaires de
son invité.
    – Je
le sais pas trop. On dirait que je commence une bonne grippe.
    – Comment tu
soignes ça d’habitude ?
    – Souvent, un
petit verre de caribou, ça m’aide pas mal.
    – Tu penses ?
demanda Ernest en réprimant mal un sourire.
    – Moi, en
tout cas, ça me fait pas mal de bien.
    – Jérôme, sors-moi
donc la bouteille de caribou de l’armoire, commanda Ernest à son fils.
    Ernest
Veilleux versa une bonne rasade d’alcool dans un verre qu’il tendit à son visiteur.
    – Tiens, mon
Tit-Phège, soigne-toi.
    L’autre
avala le liquide sans esquisser la moindre grimace, même si l’alcool avait un
goût très amer.
    – Après avoir
bu ça, moi, je te conseillerais d’aller te coucher en dessous d’une bonne pile
de couvertes, fit Yvette, mi-sérieuse. Tu vas suer et ça va faire sortir le
méchant. Demain, tu vas te sentir comme un jeune homme.
    – Je pense
que c’est ça que je vais faire, annonça Elphège Turcotte en se levant lentement.
    – Maudit que
ça sent bon ch ez
vous  ! reprit-il en
reniflant bruyamment. Qu’est-ce que ta femme et tes filles sont en train de
faire cuire ?
    – Ça, c’est

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