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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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neige quand ils entendaient les grelots
d’une sleigh qui approchait.
    À onze heures et
demie, il ne restait plus une place assise libre dans l’église. Il régnait à l’intérieur
de l’édifice une chaleur d’étuve. Les bancs avaient été pris d’assaut par leurs
locataires et leurs invités avaient tant bien que mal trouvé des places
ailleurs. Déjà, les marguilliers, chargés de trouver des sièges aux fidèles
demeurés debout à l’arrière, ne savaient où donner de la tête et patrouillaient
sans cesse chacune des trois allées, à la recherche de places libres.
    Quand le curé
Lussier pénétra dans le chœur, encadré par ses deux servants de messe, la
chorale entonna le chant d’entrée avec une force qui fit vibrer les vitraux. À l’arrière
de l’église, une trentaine d’hommes se tenaient debout. Certains d’entre eux
avaient cédé leur place assise à des femmes, poussés autant par esprit de galanterie
que par le secret désir de s’esquiver à l’extérieur durant le sermon de leur
pasteur pour fumer ou boire un coup.
    Jusqu’à la lecture
de l’Évangile, le recueillement fut exemplaire dans le temple. La plupart des
fidèles avaient déboutonné leur épais manteau et faisaient des efforts louables
pour demeurer bien éveillés, même s’ils dormaient habituellement depuis
longtemps à une heure aussi tardive. Par contre, il en allait tout autrement
pour certains hommes qui avaient commencé leurs libations au cours de la soirée.
Certains d’entre eux somnolaient et même ronflaient sans aucune retenue, malgré
les coups de coude décochés par leurs femmes.
    Debout entre son frère Maurice et sa mère, Céline jetait souvent des
coups d’œil derrière elle pour tenter d’apercevoir Clément Tremblay qu’elle
savait présent dans l’église. À un certain moment, elle aperçut le jeune homme
près de son père, à quelques bancs de distance, et elle lui adressa un sourire
timide auquel le jeune homme répondit par un léger signe de reconnaissance. Yvette
Veilleux leva le nez de son missel à ce moment-là et s’aperçut du manège de sa
fille.
    –  Arrête de
faire la girouette et suis la messe, lui murmura-t-elle sèchement en se
penchant vers elle.
    Dès que le curé
Lussier monta en chaire, une dizaine de paroissiens debout à l’arrière en
profitèrent pour se glisser subrepticement à l’extérieur pour allumer leur pipe.
    Quelques uns
tirèrent même de l’une de leurs poches un flacon de whisky qu’ils firent
circuler.
    Pendant ce temps, le
célébrant avait entrepris de commenter d’une voix puissante des extraits de la
lettre pastorale de l’évêque de Nicolet. Ses premières paroles avaient eu le
don de faire sursauter violemment un bon nombre de dormeurs. Le pasteur de
Saint-Jacques-de-la-Rive condamna surtout les danses lascives et l’abus d’alcool
que les rencontres du temps des fêtes n’allaient pas manquer de susciter. Encore
une fois, il brandit les flammes de l’enfer qui attendaient non seulement les
pécheurs, mais aussi les parents coupables de complaisance.
    À la fin de la
messe, lorsque le maître chantre entonna le Minuit, chrétiens , les
fidèles s’empressèrent de gagner la sortie de l’église, à la recherche d’une
bouffée d’air frais. On ne demeura sur le parvis que le temps de souhaiter un
joyeux Noël aux connaissances et aux parents avant de monter dans les sleighs
et les berlots où on se couvrit frileusement d’épaisses couvertures. Avant le
départ, chaque conducteur alluma un fanal qu’il suspendit à l’avant de son
véhicule. Les attelages quittèrent un à un le centre du village au son des
grelots. Au loin, ils ressemblaient à des lucioles se déplaçant dans l’obscurité.
Subitement, les gens étaient pressés d’aller réveillonner.
    Cette nuit-là, bien
peu de gens passant devant la petite maison grise de Germain Fournier
remarquèrent l’absence de lumière aux fenêtres. Yvette Veilleux fut pourtant l’une
d’entre elles.
    – Je me
souviens pas d’avoir vu Germain à la messe, dit-elle à son mari au moment où la
sleigh passait devant la maison du célibataire.
    – Moi non
plus. Pour moi, il est pas venu à la messe de minuit. Tu sais comment il est
sauvage. Il va probablement aller à la basse-messe demain matin.
    En
réalité, le jeune cultivateur, le cœur lourd des souvenirs des Noëls de son
enfance, s’était couché bien avant minuit et avait difficilement trouvé

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