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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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petite fenêtre sans rideaux, bleuâtre de poussière, à travers laquelle on apercevait une abside au toit sombre, cette chaise de paille où s’entassaient des vêtements fripés. Tout lui revint alors, brusquement, et elle referma les yeux.
    Dans la pièce voisine, Chamilly coiffait le Roi déjà rasé, habillé. Il lui raccourcissait les cheveux. M me  Campan, M me  Augié venaient d’être autorisées à servir la Reine. Elles furent introduites par les gentilshommes veillant à la porte et voulurent baiser la main du monarque. Il les retint en les embrassant. Il les conduisit lui-même à sa femme. En voyant leur maîtresse, elles ne purent contenir leurs larmes. Elle pleura avec elles. « Je fais le malheur de tous ceux que j’aime », dit-elle. Elle s’informa des personnes qu’elle avait laissées au Château, de Coco, son petit chien confié à la princesse de Tarente. En apprenant la mort des serviteurs tués dans les appartements d’où Cléry, seul, s’était échappé, elle demeura un long moment accablée. « Ah ! je ne voulais point partir, murmurait-elle. Nous n’aurions jamais dû partir. La faiblesse a tout perdu. » M me  de Lamballe, entrée pendant ce colloque, demanda si l’on savait quelque chose de Segret. Les deux femmes ne purent lui en donner aucune nouvelle. « Mon cœur, dit-elle tendrement à la Reine, ne pleurez pas. Dans ce grand malheur, vous êtes toute notre consolation. »
    Madame Élisabeth et M me  de Tourzel survinrent, amenant les deux enfants. Ils se jetèrent au cou de leur mère. Le petit prince était joyeux. Tout, dans ces circonstances extraordinaires, l’amusait. « Maman, je vais jouer au jardin ? « demanda-t-il avec la candeur de ses sept ans. Mais, annonça M me  de Tourzel, le corps législatif allait rentrer en séance et voulait que la famille royale reprît sa place. En achevant de s’habiller, la Reine exprima ses craintes à M me  Campan : l’attitude du Roi dans la loge le faisait mal juger. Face à ses ennemis, observé par cent regards qui cherchaient en lui ses faiblesses, il n’imposait pas le respect, dit la Reine à demi-mot. Les manières de Louis XVI, en effet, n’étaient point celles d’un souverain captif, mais d’un bourgeois simple et bonhomme prenant en patience sa situation. La veille, comme on servait aux augustes réfugiés un repas froid sur un coin de la table des secrétaires, Louis avait flegmatiquement avalé un poulet tandis que les dames buvaient seulement un peu d’eau. Cet appétit en un pareil moment avait produit la pire impression. Il prêtait au Roi une apparence d’insouciance et d’insensibilité « qui sont pourtant bien loin de son cœur », dit Marie-Antoinette.
    Une rumeur grossissait dans la cour. Quand on réintégra la loge chaude et mal aérée, des pétitionnaires, revenant d’enterrer des parents ou des amis tués la veille, assiégeaient à grands cris la barre. Ils réclamaient avec colère les deux cents Suisses de l’escorte royale, gardés dans le couvent. On expliquait en vain aux furieux que ces soldats, partis du Château avec le Roi, avant l’attaque, n’avaient pu faire nulle victime et ne portaient aucune responsabilité du massacre. Le chagrin, l’instinct de vengeance, le soupçon rendaient ces hommes sourds. « À bas les orateurs ! criaient-ils. À bas les complices des criminels !
    — Grands dieux ! quels cannibales ! » s’exclama Vergniaud, intrépide à sa table présidentielle.
    Il y eut à l’entrée une poussée si violente qu’il craignit pour la famille royale et donna l’ordre aux inspecteurs de la faire passer dans le couloir où l’on pourrait la défendre. Ce mouvement de la foule était provoqué simplement par l’arrivée de Danton. Il venait prêter serment. Sa voix cuivrée domina les cris des pétitionnaires, les acclamations des tribunes. « Citoyens, claironna-t-il, la nation française, lasse du despotisme, avait fait une révolution ; mais, trop généreuse, elle a transigé avec les tyrans. L’expérience lui a prouvé qu’il n’y a rien à espérer des anciens oppresseurs du peuple. Elle va maintenant rentrer dans ses droits. Là où commence la justice doivent s’arrêter les vengeances populaires. Je prends devant l’Assemblée nationale l’engagement de protéger les hommes qui sont dans cette enceinte. Je marcherai à leur tête et je réponds d’eux. »
    Ce n’était que des paroles, de belles paroles,

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