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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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mais elles produisirent leur effet. En vérité, Danton ne se mit point « à la tête » des Suisses, il ne se soucia nullement d’eux, bien trop occupé, en revenant de l’Assemblée avec Fabre et Desmoulins, à nantir grassement ses amis qui accouraient à la distribution des places, et d’abord le gros Robert nommé chef des secrétaires et doté d’un appartement, à recevoir les courtisans de la nouvelle puissance, entre autres Talleyrand, à réunir dans son cabinet le Conseil exécutif composé du mathématicien Monge, ministre de la Marine, Lebrun, des Affaires étrangères, et Roland, Clavière, Servan, dont les mines renfrognées calmèrent un peu sa jubilation. Quant aux Suisses, la Commune décida de les transférer à la prison militaire de l’Abbaye, et il leur fallut bien y aller, à grand risque, néanmoins sans dommage. Au demeurant, dans les jours qui suivirent ils s’enrôlèrent tous comme volontaires – du moins les soldats et les bas-officiers – et ils quittèrent Paris, applaudis par les patriotes.
    Dans ce peu de temps, tout le pouvoir effectif était passé à l’Hôtel de ville, comme l’avait prévu Jean Dubon. Pétion essayait vainement de rendre une autorité au corps législatif, il ne lui en restait aucune à lui-même, le maire. Il n’existait plus qu’un souverain : le Conseil général de la Commune, augmenté chaque jour par de nouveaux délégués des sections : Robespierre, Marat, Chaumette, Billaud-Varenne, Pache, Chénier, Louvet, Laclos, Claude finalement. Danton avait expédié dans les provinces, comme dictateurs régionaux, Brune, Fréron, Legendre, Momoro, Vincent. L’assemblée du Conseil général, aux tribunes toujours combles, dictait ses lois à l’ Assemblée croupion dont trois cents membres à peine sur sept cent cinquante osaient reparaître au Manège après l’orage. Toutes les exigences de la Commune : le camp sous Paris, la suspension des passeports, les visites domiciliaires chez les suspects, se réalisaient. Le corps législatif avait voté la suppression du mot « Monsieur », remplacé par « citoyen », institué l’année 92 an I er de la Liberté, accepté la création d’un tribunal du peuple, et surtout décrété le suffrage universel : tout Français non domestique était électeur dès l’âge de vingt et un ans, éligible à vingt-cinq. Revenant sur sa décision de donner le Luxembourg pour résidence au monarque suspendu, il voulait le loger au moins place Vendôme, à la Chancellerie. Le Conseil général, lui, avait choisi le Temple, ci-devant pied-à-terre du comte d’Artois quand il venait de Versailles, et, le 13, Manuel alla sommer l’Assemblée nationale de remettre le Roi à la Commune. L’Assemblée s’inclina, là encore. Ce lundi, à cinq heures de relevée, Pétion et Manuel vinrent avec deux voitures prendre la famille royale que l’on avait, depuis la veille, séparée de ses fidèles et que Santerre faisait garder par une compagnie à piques. Les gentilshommes, après avoir une dernière fois servi leurs souverains au souper, étaient partis, les yeux pleins de larmes, en laissant furtivement sur la table quelques rouleaux d’or, car Louis comme Marie-Antoinette, Élisabeth et M me  de Lamballe ou M me  de Tourzel, se trouvaient dans le plus total dénuement. Ils ne possédaient ni argent ni rien d’autre que ce qu’ils portaient en quittant les Tuileries. L’ambassadrice d’Angleterre avait envoyé du linge et des vêtements de femme.
    Sortie de l’Assemblée, la famille royale monta en voiture dans la cour des Feuillants. C’était encore un beau jour très chaud. Le maire et le procureur de la Commune s’assirent aux côtés du Roi. L’annonce de son transfert attirait une foule qui s’agglutinait derrière la haie des piques. Sur la place Vendôme, Pétion montra au Roi la statue de son aïeul jonchant le sol. Louis ne dit rien. Pétion et lui se retrouvaient à peu près dans la même situation qu’au retour de Varennes : l’un menant l’autre, prisonnier. Même cheminement traînant, sous le soleil, même chaleur dans la voiture. Mais cette fois ce n’était plus des grenadiers bourgeois qui l’encadraient, c’était la garde nationale des faubourgs, les canonniers à bonnet rouge. Et Pétion ne ressentait plus aucune indulgence pour le monarque. Il lui en voulait amèrement d’avoir rendu inutiles tous les efforts accomplis en sa faveur, perdu les dernières chances

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