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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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devenu place de la Liberté. La guillotine en avait heureusement disparu. Et pour cause. Les massacres ayant éliminé radicalement les ennemis du peuple, le tribunal du 17 août chômait. Sanson n’exécutait plus que des criminels de droit commun, sur la Grève.
    La municipalité avait fourni à la future assemblée une garde d’honneur, singulièrement débraillée, au demeurant, et qui n’aurait pas grand effort à faire pour la défendre des curieux, car il s’en trouvait fort peu sur la place. La réunion devant se tenir à huis clos, le public n’était pas prévenu. Seuls les gens du voisinage, attirés par ce mouvement de sectionnaires à piques, venaient voir ce qui se passait. Dans la Grand-cour puis dans le pavillon de l’Horloge, au premier étage dans la salle des Suisses : espèce de large couloir nu, Claude retrouva la plupart des figures habituelles, depuis Robespierre, le premier élu de Paris, jusqu’à Marat et Philippe d’Orléans, les derniers. Il y avait nombre d’anciens constituants, comme Claude : entre autres Lanjuinais, Sieyès, Buzot, Pétion. Et aussi tous les vieux routiers des journées révolutionnaires, accédant pour la première fois à la députation : Danton, Desmoulins, Fabre d’Églantine, Fréron, Legendre, Panis, Sergent, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Manuel, Tallien, etc. On voyait beaucoup de membres de la Législative même : presque tous les Girondins de Brissot et de Buzot. Ceux-ci semblaient dominer non seulement par leur masse mais par leur influence. Quand, après avoir constaté la présence de 371 membres sur 794 qui avaient dû être élus, et vérifié les pouvoirs, on nomma le bureau, il se trouva composé exclusivement de Brissotins ou d’amis à eux. Pétion, si déchu de sa popularité que Paris n’en avait pas voulu et qu’il avait dû se faire élire à Chartres, était président, Vergniaud, Brissot, Rabaud-Saint-Étienne, Lasource, Camus, Condorcet, secrétaires.
    « Décidément, c’est l’ostracisme contre nous », dit Claude à Robespierre.
    Près de Maximilien se tenait son cadet : Augustin, que Claude avait rencontré à plusieurs reprises, après en avoir entendu parler pour la première fois par Montaudon, du temps de Versailles. Il arrivait à « Bonbon » – administrateur du Pas-de-Calais, puis procureur-syndic d’Arras – de faire de brefs séjours à Paris. C’était maintenant un garçon de vingt-huit ans, toujours aussi plein de vénération pour son aîné auquel il ressemblait assez, avec quelque chose de plus mâle et de plus confiant. Les électeurs d’Arras venaient de combler ses vœux en l’envoyant rejoindre son frère qu’ils n’avaient pas eu à élire. Claude félicita Augustin très sincèrement, car il se sentait de la sympathie pour ce garçon honnête et plein de cœur. Un autre nouveau venu l’accompagnait : un tout jeune homme, vingt-cinq ans au plus, et d’un aspect frappant. À l’appel nominal, il avait répondu au nom de Saint-Just, député de l’Aisne.
    Ce nom, Claude ne l’ignorait point. Desmoulins connaissait le jeune homme depuis juillet 89, comme auteur d’un curieux livre : Organt. En juin 91, Saint-Just s’était présenté chez Robespierre, rue de Saintonge, après avoir escorté jusqu’à Paris, avec la garde nationale de Blérancourt qu’il commandait, la berline ramenant de Varennes la famille royale. Depuis, Robespierre montrait parfois à ses amis, comme preuves du zèle et des vertus sur quoi l’on pouvait compter en province, les lettres de ce jeune patriote, passionné pour le bien public et tout enflammé d’admiration pour le régénérateur du genre humain, c’est-à-dire Maximilien en personne. À Blérancourt, Saint-Just se morfondait dans des intrigues locales, enrageant d’être trop jeune pour remplir sur un autre théâtre un rôle à sa mesure. Il venait juste d’atteindre l’âge requis pour briguer un mandat, qu’il avait obtenu aussitôt. Assez grand et bien pris dans son habit bleu à boutons dorés, le visage au front large, au nez droit, à la bouche un peu boudeuse, reposant sur la haute cravate et encadré par une masse de cheveux châtains, les yeux bleu-gris, grands sous l’arc très pur des sourcils, il était singulièrement beau : d’une beauté patricienne, tout ensemble féminine et sévère. Mais d’où provenait donc cette espèce de malaise qui gâtait confusément le plaisir de voir des traits si purs ? Au bout

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