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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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fût le premier objet des travaux. On estima plus urgent de décréter l’exécution provisoire des lois non encore abrogées, le maintien des pouvoirs non révoqués ou suspendus, la continuation du paiement des contributions publiques. La question se trouvait donc ajournée, et on allait lever la séance pour dîner, lorsque Collot d’Herbois réclama la parole. Il était président de l’assemblée électorale de Paris, qui avait donné à ses élus un mandat impérieux.
    « Vous venez, dit Collot, de prendre une délibération sage. Il en est une autre que vous ne pouvez remettre à demain, que vous ne pouvez remettre à ce soir, que vous ne pouvez différer un seul instant sans être infidèles au vœu de la nation : c’est l’abolition de la royauté. »
    Tout le monde applaudit. Claude, fiévreux, eut le sentiment que cette fois on allait sauter le pas. Puis des hésitations se manifestèrent, des chicaniers prétendirent que l’on devait créer un gouvernement positif et laisser le peuple choisir entre celui-là et la monarchie. Ni Robespierre, ni Danton, ni Brissot, ni Vergniaud ne parlaient. Grégoire intervint avec vigueur, faisant le procès des rois et de la royauté. « Il faut, conclut-il fortement, nous délivrer de ce talisman magique. » De nouveau, les applaudissements retentirent. Sur les banquettes comme dans les tribunes on acclamait les paroles de l’évêque. Mais, de nouveau également, les tergiversations recommencèrent. Certains voulaient un rapport, une discussion en règle. Grégoire insista. « Les rois, dit-il, sont en morale ce que les monstres sont dans l’ordre physique. L’histoire des rois est le martyrologe des nations. » Le brissotin Ducos, Billaud-Varenne l’appuyèrent, demandant l’abolition immédiate. Manuel la jugeait contraire aux décrets que l’on venait de prendre. Les chefs de file se taisaient toujours. Impatienté par cette réserve, cette prudence qu’il trouvait bien proche d’une lâcheté, Claude se leva. « Quelles sont ces hésitations ! lança-t-il. Balancerez-vous plus longtemps à rendre un décret dont tout le peuple a consacré le principe ! Le vœu de la nation est manifeste. Elle nous a réunis ici pour l’accomplir. Cela ne suffit-il pas ? Je demande qu’à l’instant même la royauté soit purement et simplement abolie en France. »
    Comme le jour du Jeu de Paume, il prononçait les mots voulus au moment voulu. Sa voix fut décisive, elle emporta tergiversations, objections, rallia les timides. Dans un élan général, la décision se trouva prise, rédigée par les secrétaires. Pétion la lut : « La Convention nationale décrète à l’unanimité que la royauté est abolie en France. » Il y eut une sorte de suspension silencieuse, puis l’enthousiasme explosa. Les chapeaux volèrent, les bravos, les ovations faisaient vibrer les vieilles planches et les fenêtres du Manège. Les députés, le public des loges, des tribunes, des galeries, debout, communiaient dans la même émotion, le même sentiment d’exaltation et de joie. On criait : « Vive la liberté ! Vive l’égalité ! » À travers l’étendue de la piste, Claude regardait la petite silhouette de sa femme. Du fond du cœur, il lui dédiait cette victoire.
    La royauté étant abolie, la République existait en fait. La Convention ne semblait pas vouloir le constater. Le peuple, lui, n’hésitait pas. Lorsque les députés revinrent au Manège pour la séance de relevée, dans les rues où, sous une petite pluie fine et froide, on proclamait le décret, les gens criaient à pleine gorge : « Vive la République ! » Des volontaires de Seine-et-Marne partant pour Châlons vinrent à la barre jurer spontanément de « sauver la République ». D’autres, de la section Quatre-Nations, se dirent « heureux de payer de leur sang la République que les députés ont décrétée ». Enfin, Monge, le ministre de la Marine, déclara au nom du Conseil : « Les membres du premier pouvoir exécutif de la République française sauront mourir, s’il le faut, en dignes républicains. » Quant au ministre de l’Intérieur, Roland, dans une circulaire aux corps administratifs, il écrivait : « Vous allez, messieurs, proclamer la république. Proclamez donc la fraternité, ce n’est qu’une même chose. »
    Le lendemain, sur une motion de Billaud-Varenne, la Convention décida que les actes seraient dorénavant datés de l’an I er de la

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