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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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décidément devoir s’arranger.
    Roland ne vint pas, bien entendu, mais tous les rolandistes, Buzot, Brissot, Barbaroux, Louvet et leurs amis étaient là, avec Vergniaud. Ce fut le général qui parla. « Il faut, dit-il, imposer enfin silence aux ressentiments, ne plus remuer le sang de septembre, d’où ne sortent que des exhalaisons mortelles pour la république. » Avec vivacité, il montra tout ce que l’on pouvait attendre d’une Convention dirigée dans ses travaux par les amis de Danton et ceux de Roland, forte de son accord avec l’armée. Lui, Dumouriez, ne doutait point d’ajouter bientôt de nouveaux succès à celui de Valmy. Ainsi, le gouvernement, ferme à l’intérieur, victorieux au dehors, assurerait au nouveau régime une marche irrésistible.
    La plupart des convives écoutaient leur hôte avec faveur. Pétion, Gensonné, Brissot l’approuvaient. Condorcet, Sieyès l’appuyèrent, insistant sur l’urgente nécessité de cette union. Danton, afin de rassurer les Brissotins, consentait au recrutement d’une garde départementale pour l’Assemblée. Claude déclara que, tout en la jugeant superflue, il n’y mettrait nul obstacle. Vergniaud se dit alors prêt à sceller l’alliance. Mais Buzot, Barbaroux, Ducos, Rebecqui, Fonfrède avaient peine à vaincre leur répugnance. Pour eux, les dantonistes restaient les hommes des massacres. Comment pouvait-on s’allier à des assassins ! Brusquement Guadet – visage maigre, cheveux noirs, lèvres minces, front têtu – laissa tomber : « J’accepterais tout, sauf l’impunité aux égorgeurs et à leurs complices ! » Et il se leva pour se retirer.
    La figure rougeaude de Danton vira au sombre. Dominant néanmoins sa colère, il s’élança vers Guadet, lui prit la main, s’efforça de le ramener. « Reviendrez-vous donc toujours là-dessus ! s’écria-t-il. Ne comprendrez-vous pas que notre division c’est le déchirement de la République ? Si nous n’arrêtons pas les factions, nous nous dévorerons les uns les autres. Nous périrons tous, vous les premiers.
    — J’en courrai le risque. Une république pure ou la mort : c’est le combat que nous allons livrer.
    — Guadet, dit tristement Danton en lui lâchant la main, vous ne savez point faire à la patrie le sacrifice de vos ressentiments. Tant pis ! Allons chacun où le flot de la Révolution nous pousse. Unis, nous pouvions la conduire ; désunis, elle nous dominera. »
    Dumouriez avait jugé depuis longtemps les Brissotins. Au camp déjà, il confiait à Westermann : « La France n’a qu’un homme, c’est Danton. » M me  Roland commençait peut-être de s’en rendre compte. Poussée sans doute par Sieyès, par Condorcet, elle alla plus loin dans l’esprit de conciliation que Claude ne l’eût espéré. Elle lui demanda d’amener Danton chez elle. On ne parlerait point du passé. Danton accepta et elle le reçut bien. Elle usa de tout son esprit et de sa séduction pour renouer les liens qui les unissaient les uns les autres jusqu’au 10 août, dans leur volonté ardemment jacobine. On ne parla point, effectivement, du passé. On s’accorda dans l’horreur de Marat et des enragés. Louvet, avec son don imaginatif de romancier, en fit la caricature furieuse. À cause de Claude, les Marseillais ménagèrent Robespierre. Et quand Dumouriez, poussé par Manon, évoqua ses desseins de campagne en Belgique, sa certitude d’une victoire qui imposerait la paix à l’Europe, tous les cœurs parurent battre à l’unisson.
    Mais justement parce que l’on ne parlait point du passé, parce qu’au lieu de débrider cette plaie purulente on en détournait soigneusement les yeux, parce que chacun prenait mille précautions pour éviter les points où l’on savait que les dissentiments éclateraient avec violence, cet unisson était un leurre.
    Il montrait à la fois ce que l’on souhaitait et l’impossibilité d’y parvenir. On ménagea jusqu’au bout les apparences. Néanmoins, quand on se sépara, il était tristement évident pour tous qu’aucun espoir d’union ne subsistait plus.

IV
    En essayant de rapprocher Danton et les Brissotins, Claude n’avait ressenti aucun scrupule envers Robespierre. Sans doute ce rapprochement tendait-il à réduire l’influence de la fraction robespierriste des Jacobins, mais il le fallait. L’intérêt de la république l’exigeait. Robespierre n’était pas homme à susciter l’union. Au contraire, il

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