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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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avec la Gironde, insistèrent sur le thème. La droite écoutait courtoisement, approuvant les intentions, rien de plus. Pour elle, le devoir urgent, c’était de purger la Convention des dictateurs en puissance, des hommes de sang, des scélérats. Alors seulement on pourrait, comme le souhaitait le généreux mais peu perspicace Mounier-Dupré, fonder par des institutions une république pure, libérée du despotisme des sections parisiennes et de leurs agitateurs.
    « J’ai bonne envie, dit Claude à sa femme, en soupant, d’abandonner la salle pour m’en tenir au comité de Constitution. Là, au moins, ferais-je du travail. »
    Ainsi, autrefois, quand il jugeait stériles les débats de la Constituante paralysée par les royalistes noirs, il abandonnait le Manège pour le couvent voisin où siégeait le comité. Mais à présent, dans les agitations tempétueuses de la Convention, il y avait quelque chose d’insidieusement puissant, comme l’orage des canons et l’odeur de la poudre, dont parlait Bernard dans ses lettres : quelque chose qui attirait irrésistiblement sur le champ de bataille.
    Qu’elles étaient loin, les séances de la première Assemblée ! Le décor n’avait point changé, hormis l’interversion de la tribune et du bureau. Les premiers drapeaux pris à l’ennemi remplaçaient aux poutres plafonnantes la bannière de la Fédération. C’était toujours le même long vaisseau, mal éclairé, où la voix des orateurs s’étouffait, où les échos amplifiaient en revanche les applaudissements et les cris ; les mêmes banquettes qui, à droite et à gauche, montaient jusque sous les galeries de bois, étagements abrupts sur lesquels Montagnards et Brissotins se faisaient face à chaque bout de la piste ; les mêmes draperies vertes, à présent fanées, pendant des loges et, au-dessus, des tribunes ; et toujours aussi le même vestibule, le même couloir circulaire, les mêmes corridors de planches et de coutil, conduisant aux deux couvents, aux baraques « provisoires » multipliées dans les cours des Feuillants et des Capucins. Mais les coiffures en poudre, sauf celle de Robespierre, avaient disparu comme le costume noir, et avec eux la dignité, l’espèce de solennité un peu académique dont les débats, même les plus vifs, ne se départaient jamais. La Législative avait apporté ici une vague de jeunes hommes. Le 10 août, son tumulte, sa colère, son sang, sa fureur de vengeance, son roi prisonnier. Maintenant, la Convention y jetait une autre jeunesse, bouillante, généreuse, irréfléchie. Elle volait au combat, elle y entraînait ceux qui auraient voulu rester plus sages. Le Manège prenait un air de champ clos, avec ces Marseillais fracassants qui siégeaient en bottes et s’élançaient dans la piste contre leurs ennemis d’en face comme des champions prêts à rompre une lance, avec ces corbeilles de femmes passionnées qui venaient ici applaudir leurs maris ou leurs amants, avec ce peuple tassé dans l’étroit espace des tribunes et des galeries, et qui s’enfiévrait à ces joutes.
    Malgré la fraîcheur du jour, il y avait dans l’air une électricité orageuse lorsque, le 29 octobre, Roland présenta son rapport. Au lieu de s’en tenir à la situation présente dont il devait rendre compte, il ne se priva point de remonter aux causes, afin d’en indiquer les responsables. Sur un ton de rigueur impartiale, il commença par évoquer, en les excusant, les violences de la révolution du 10 août. « Parbleu ! chuchota Desmoulins à Claude, ces violences-là sont saintes : elles… elles lui ont rendu le ministère. » Puis Roland dépeignit avec réprobation les crimes ajoutés à cette insurrection par les hommes du 2 septembre. Interrompu à plusieurs reprises par les murmures de la gauche, il montra les débordements de la Commune, ses abus de pouvoir, ses arrestations arbitraires, ses dilapidations. Venant enfin à la situation actuelle de la capitale, il la décrivait ainsi : « Directoire départemental sage mais sans puissance, Commune active et despotique, peuple excellent, mais dont une partie saine est intimidée ou contrainte, tandis que l’autre est travaillée par les flatteurs et enflammée par la calomnie, confusion des pouvoirs, abus et mépris des autorités, force publique faible et nulle par un mauvais commandement : voilà Paris. »
    La majorité habituelle applaudit en demandant l’impression du rapport. Robespierre

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