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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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entendues de quelques centaines de spectateurs. On cherchait à conquérir leurs applaudissements à quelque prix que ce fût. Alors il parut bien que les affidés étaient convenus de se relayer pour présenter tel ou tel décret, tel ou tel individu de la gauche (c’est-à-dire de la Gironde) à l’animadversion de ces spectateurs crédules, et à leur admiration tel constituant (c’est-à-dire Robespierre) dont les partisans fougueux faisaient constamment le plus fastueux éloge, à moins qu’il ne le fît lui-même. Nous cependant, nous nous bornions à gémir sur l’humaine faiblesse de ces personnages ; nous voulions encore les croire travaillés seulement de jalousie et d’estime désordonnée pour eux-mêmes.
    « Mais après le 10 mars, Delessart ayant été frappé d’accusation et des patriotes (c’est-à-dire Roland, Servan, Clavière, etc.), se trouvant saisis des rênes du gouvernement, nous entendîmes ceux qu’alors nous reconnûmes pour des agitateurs déclamer contre le ministère jacobin avec cent fois plus de chaleur qu’ils n’en avaient mis à surveiller un ministère monarchiste. À cette époque, ils ne craignirent pas de laisser tomber un premier masque devenu trop incommode : les harangues ne furent plus permises qu’à ceux qui dénigraient les meilleurs décrets, à ceux qui calomniaient tel écrivain, tel orateur patriotes, à ceux qui déclaraient avec le plus d’impudeur qu’un certain homme était en France le seul vertueux, le seul auquel on pût confier le soin de sauver la patrie, à ceux qui flagornaient le plus bassement les deux ou trois centaines de citoyens d’abord qualifiés le peuple de Paris, puis absolument Le Peuple. Et surtout, les harangues ne furent permises qu’à l’homme transformé en idole, à cet usurpateur que sa faction présentait quasiment comme un dieu. Mais lui-même ne manquait jamais de protester qu’il était peuple aussi. De sorte que quiconque avait le courage de contester à cette idole la plus absurde de ses opinions, était aussitôt accusé de calomnier le peuple. Ruse grossière, que l’on ne doit pas combattre par le seul mépris, car on sait trop qu’elle a réussi à tous les usurpateurs, depuis César jusqu’à Cromwell, depuis Sylla jusqu’à Mazanielle.
    « Alors, Représentants du peuple, il devint incontestable qu’entre ces hommes toujours plus intolérants, plus audacieux, il existait un pacte secret dont le but devait être de faire tourner au profit de leur ambition personnelle l’insurrection qui se préparait, d’opprimer le peuple, d’anéantir la représentation nationale, et, au moment où le roi traître allait tomber, de se constituer rois eux-mêmes, ou tribuns ou dictateurs ou triumvirs, qu’importe le nom ? »
    Passant alors au lendemain du 10 août, Louvet ajouta : « Membre du Conseil général provisoire, j’étais à mes fonctions. Un homme entre, et tout à coup il se fait un grand mouvement dans l’Assemblée. Je regarde, je n’en crois pas mes yeux. C’était Lui, c’était Lui-même ! Venait-il donc s’asseoir au milieu de nous ? Non, il était allé déjà se placer au bureau. L’égalité n’a jamais existé pour lui. Et moi, dans une stupeur profonde, je m’interrogeais sur cet événement. Quoi ! Robespierre, l’orgueilleux Robespierre, qui, dans les jours de péril, avait abandonné le poste important où la confiance de ses concitoyens l’avait appelé, Robespierre se commettait au point de devenir comme nous officier municipal ! De ce moment, il me fut démontré que le Conseil général devait exécuter de grandes choses et que plusieurs de ses membres étaient certainement appelés à de hautes destinées.
    « Messieurs, nous voici maintenant à l’époque fatale. Pourrai-je contenir mon indignation ? Les prétendus amis du peuple ont voulu rejeter sur le peuple de Paris les horreurs dont la première semaine de septembre fut souillée. Ils lui ont fait le plus mortel outrage. Il sait combattre, le peuple de Paris ; il ne sait pas assassiner. Il est vrai qu’on le vit tout entier le 10 août devant le château des Tuileries, il est faux qu’on l’ait vu le 2 septembre devant les prisons. Dans l’intérieur, combien les bourreaux étaient-ils ? Deux cents peut-être, pas même. Et dehors, combien pouvait-on compter de spectateurs attirés par une curiosité véritablement incompréhensible ? Le double, tout au plus.
    — Bien davantage », cria

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