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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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premier », rapporta Claude à son beau-frère en lui narrant la séance. Il n’y en eut pas moins un tumulte d’indignation, le soir, aux Jacobins, contre la « conduite horrible » de Louvet. On réclama sa radiation. N’avait-il pas vilipendé la Société, accusé deux de ses membres les plus solides, proposé des lois sanguinaires, réclamé « l’ostracisme d’Athènes » ! Legendre s’écria que c’était un coup monté avec l’hypocrite Roland. Fabre se plaignit de ce que le scandale et l’impudence des Brissotins, Girondins, Buzotins, Rolandistes augmentaient chaque jour. Robespierre n’était pas venu, mais Augustin dit qu’il craignait pour son frère le poignard des assassins, il était constamment menacé. Aussitôt plusieurs membres jurèrent de le défendre les armes à la main et révélèrent qu’eux aussi avaient reçu des menaces. Le fougueux Chabot s’exclama : « Aujourd’hui, on accuse Danton, Robespierre, Marat ; demain ce sera Santerre, Merlin, Chabot, Mounier-Dupré, etc. Je vous le déclare, il n’y aura pas de repos ni de progrès tant que nous n’aurons pas débarrassé la Convention des Girondistes ! »

V
    Les jours suivants, les « sages », particulièrement Condorcet, Sieyès, Vergniaud, qui n’avaient rien fait pour soutenir Louvet, se montrèrent très distants avec les exaltés Rolandistes. Le torchon semblait brûler quelque peu dans la Gironde. Vergniaud dit à Claude que l’on n’avait rien su de l’attaque préparée contre Robespierre et dirigée sans nul doute par M me  Roland. « C’est une maladresse de revenir là-dessus, avoua-t-il. On ne peut accuser Robespierre que de deux choses : d’être un pédant et de vouloir tout régenter.
    — Cette femme, dit Claude, se laisse dominer par ses haines. Elle déteste Robespierre pour n’avoir pas pu le subjuguer. Prenez garde à elle.
    — Oh ! moi, je ne risque rien.
    — Je sais, vous avez un charmant bouclier. Je ne parle pas de vous mais de vos amis qui subissent beaucoup trop son influence. Laissez-les-lui, venez avec nous, Vergniaud. Roland est un imbécile. Ne voyez-vous pas ce que vous, Condorcet, Lanjuinais, Robespierre avec sa popularité, Danton avec sa puissance, l’habile Couthon et quelques autres bonnes têtes, nous pourrions obtenir de la majorité ? La fixer, la conduire, mener enfin une politique vraiment nationale, à grandes vues édificatrices.
    — Mon ami, soyez sûr que je me rangerai toujours avec vous dans tout effort de ce genre. Je ne suis ni Brissotin ni Rolandiste, je m’associerai à tout honnête homme résolu à travailler pour le bien public », répondit Vergniaud. On ne pouvait attendre davantage de lui. Qu’escompter de cet engagement indolent et vague ? Vergniaud était trop paresseux.
    Robespierre ne paraissait plus, ni à la Convention ni aux Jacobins. Il préparait sa défense. Claude alla le voir et l’avisa de l’état des esprits dans la Gironde. « Je ne prétends pas te conseiller, ajouta-t-il, je crois simplement que tu tirerais avantage de la modération. Nous y gagnerions tous. »
    Le lundi, lorsque Claude, vers dix heures, arriva au Manège par la Carrière, les loges, les tribunes, les galeries étaient archipleines. Les tenants des deux partis avaient fait queue dès le point du jour à l’entrée des Feuillants et l’on sentait de l’émeute dans l’air. La grisaille matinale se levait. Dans le long vaisseau chauffé par les deux poêles en forme de Bastille, on entrevoyait par les fenêtres, là-haut, un peu de ciel ensoleillé. Claude, consultant la liste des orateurs inscrits, eut la surprise d’y lire le nom de Pétion. Pour des blessures d’amour-propre, allait-il donc rompre en visière avec son ancien « compagnon de lutte » et le combattre dans les rangs des plus acharnés rolandistes ? Quelle amertume pour Maximilien ! Malgré la lourde fatuité de Pétion, il avait été vraiment son ami. Claude alla s’asseoir au premier rang des banquettes en attendant Robespierre qui parut peu après midi, l’air très calme. « Tu ne seras pas seul s’il y a bataille. Nous sommes nombreux à tes côtés, cher Maximilien. » Il répondit par un sourire. Le public s’impatientait. Enfin la lecture du procès-verbal, de la correspondance se termina, la parole fut donnée à Robespierre et il prit place à la tribune. Sa figure, sous la coiffure blanche, semblait maigre, pâlie. Ses doigts tambourinaient sur la

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