Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
quelqu’un.
    Louvet répondit qu’il tenait le chiffre de Pétion. Telle était à présent la tactique de la Gironde : après avoir attribué à tout Paris la responsabilité des massacres et outré follement le nombre des tueurs, elle les réduisait maintenant à une poignée d’hommes de main dirigés par Marat, Danton et Robespierre.
    Louvet reprit : « Mais, a-t-on dit, si le peuple n’a point participé à ces meurtres, pourquoi ne les a-t-il pas empêchés ? Parce que l’autorité tutélaire de Pétion était enchaînée, parce que Roland parlait en vain, parce que le ministre de la Justice ne parlait pas, parce que les présidents des quarante-huit sections, prêtes à réprimer tant d’affreux désordres, attendaient des réquisitions que le commandant général Santerre ne fit pas, parce que des officiers municipaux couverts de leur écharpe présidaient à ces atroces exécutions. Mais l’Assemblée législative ? L’Assemblée législative était journellement méconnue, avilie par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner des décrets et la menacer du tocsin.
    — C’est faux ! crièrent plusieurs voix sur la Montagne.
    — Silence aux blessés ! répliqua la Gironde.
    — Je demande la parole pour attester le fait, dit Lacroix. Un soir, pendant ma présidence, Robespierre, à la tête d’une députation du Conseil général de la Commune, vint demander à l’Assemblée législative de confirmer l’anéantissement déjà opéré de la Commune légale et du Directoire du département, menaçant, si l’Assemblée n’obéissait pas, de faire sonner le tocsin. Nous répondîmes en passant à l’ordre du jour. La députation s’en alla dénoncer l’Assemblée au Conseil général, et mes collègues me prièrent de ne pas rentrer chez moi par les Feuillants, car on m’y attendait pour m’égorger. »
    D’autres Brissotins confirmèrent. « C’est un roman ! » répliqua la Montagne. Billaud-Varenne voulut protester contre les paroles de Lacroix. « Silence aux blessés ! » répéta-t-on, et Cambon, montrant le poing aux Montagnards, s’exclama avec son accent de l’Hérault : « Misérables ! voilà l’arrêt de mort du dictateur !
    — Robespierre à la barre, Robespierre à la barre ! » vociférait la droite.
    À grands coups de sonnette, le président rétablit un peu de silence.
    « Nierez-vous aussi, reprit Louvet, que Robespierre, la veille du jour où le glaive des assassins allait se tirer, accusait les plus dignes représentants d’avoir vendu la France à Brunswick ? C’est ainsi que déjà le despote approchait du but proposé : celui d’humilier, de déconsidérer l’autorité nationale en attendant de l’anéantir. Oui, l’anéantir ! car, en même temps, par le trop célèbre Comité de surveillance, les conjurés couvraient la France entière de cette lettre où toutes les communes étaient invitées à l’assassinat des individus et, ce qui est plus horrible encore, à l’assassinat de la liberté. Il ne s’agissait de rien de moins que d’obtenir la coalition de toutes les municipalités entre elles, et leur réunion à celle de Paris. Elle devenait ainsi le centre de la représentation et renversait de fond en comble la forme de votre gouvernement. Tel était assurément leur système de conjuration.
    — Roman ! roman ! criaient Chabot, Panis, Robespierre jeune.
    — Vous les voyez le poursuivre encore, continua Louvet. Tel était leur plan exécrable. Si vous gardez quelque doute, sachez ou rappelez-vous qu’alors nos murs furent déshonorés par des placards d’un genre inconnu dans l’histoire des nations les plus féroces. On y lisait qu’il fallait piller, massacrer sans cesse. On y trouvait d’affreuses calomnies contre les patriotes les plus purs, voués de la sorte à une mort violente. C’était là que Pétion, dont l’inflexible vertu devenait trop gênante, était journellement attaqué. C’était là qu’on désignait les nouveaux ministres comme des traîtres que la justice populaire devait se hâter de sacrifier, – les nouveaux ministres sauf un, un seul, et toujours le même. Puisses-tu, Danton, devant la postérité te justifier de cette exception ! Enfin, c’était là qu’on essayait de préparer l’opinion publique à l’institution de la dictature ou, ce qui eût mieux accordé les nouveaux despotes, à l’institution du triumvirat. Ainsi la faction désorganisatrice,

Weitere Kostenlose Bücher