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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’est, tâtant l’adversaire, lançant au loin des reconnaissances de cavalerie. Ce dimanche 17, dans la relevée, les positions signalées à l’état-major général donnaient sur la carte un croissant long de deux lieues. Commençant face au bourg de Leaw qui couvrait Saint-Trond à distance, il suivait la rive droite de la Petite Geete, branche secondaire de la rivière traversant Tirlemont. La Petite Geete coulait dans une étroite vallée aux pentes assez abruptes. Derrière, le principal de l’armée autrichienne, la tête appuyée sur Saint-Trond, occupait tout un chapelet de plateaux ovales séparés par des ruisseaux encaissés. Entre ces positions et celles de l’armée française sur la rive opposée de la Petite Geete, la carte montrait d’assez bons terrains de manœuvre. Dumouriez, accompagné par ses divisionnaires et Bernard, qui était en quelque sorte l’inspecteur général des volontaires, visita les corps, flattant les soldats selon son habitude, mais aussi étudiant avec soin le cours de la rivière et ce que l’on pouvait apercevoir, à la lunette, des reliefs voisins, avec leurs villages parsemés. Les arbres, à peine pointillés de verdure, soulignaient les formes de la campagne. Le soleil, qui se couchait à l’opposé, les rendait plus nettes encore.
    De retour au quartier général, à la nuit tombante, le petit quinquagénaire réunit ses lieutenants autour de la carte et leur dit : « Messieurs, nous livrerons bataille demain. Nous allons opérer une vaste conversion pour ramener l’ennemi entre Leaw et Saint-Trond. » Pivotant sur l’extrême gauche qui se fixerait à Leaw en face duquel cette aile se trouvait, toute la ligne décrirait un ample mouvement tournant. Au cours de celui-ci, le centre et la droite s’empareraient des villages, dont les plus importants se nommaient Neerwinden, Oerwinden, Landen. Cette espèce de ratissage continuerait en remontant vers Saint-Trond : but final de l’extrême droite. Il faudrait franchir la Petite Geete sur trois points. L’aile gauche la passerait sous Leaw, le centre par le pont d’Esemaël, l’aile droite à celui de Neer-Heylissem. Le général Valence commanderait cette aile. Louis-Philippe Égalité, le centre. Miranda, la gauche. Dumouriez leur distribua les divisions. Il confia au général Lamarche la réserve : deux brigades. « Quant à vous, général Delmay, poursuivit-il, je vous garde à ma disposition ainsi que Thouvenot, pour vous employer selon les besoins des circonstances. »
    Bernard salua sans rien dire. Tout cela sentait furieusement son orléanisme. Valence était le gendre de Sillery et de la fameuse Genlis. Miranda, un étranger tout dévoué à cette coterie et aux Brissotins. Une fois de plus, Louis-Philippe Égalité recevait un poste destiné à le mettre le plus possible en valeur. Un bon entraîneur d’hommes, assurément, avec du coup d’œil, de la décision, du sang-froid. Il l’avait prouvé à Valmy, à Jemmapes. Mais on ne commande pas un corps d’armée à vingt ans, quand on n’est pas prince. Il le restait pour Dumouriez qui en faisait évidemment la pièce maîtresse de son jeu. Ne pouvant plus se servir du père, déconsidéré à tous les yeux, on misait sur le fils.
    Cependant Bernard n’était pas sans avoir senti que tous les généraux ne se prêteraient point à un coup de force contre la République. Dampierre, en particulier, quoique ci-devant marquis, mais aussi ancien lieutenant-colonel de volontaires, montrait la plus solide conviction républicaine. Lui aussi avait été promu pour sa conduite à Valmy. Seul, au quartier général, il inspirait à Bernard, dont il était l’aîné d’à peine neuf ans, une vraie sympathie. Elle semblait réciproque. D’un autre côté, Bernard, par sa tâche même et sa popularité parmi les volontaires, n’avait pas été non plus sans s’assurer discrètement quelques moyens d’opposer la force à la force s’il fallait en venir là. Il existait encore des bataillons de 91, aguerris et peut-être capables de tenir tête aux prétoriens de Dumouriez. En particulier, les troupes du lieutenant-colonel Boiledieu, ex-petit clerc de procureur, combattant résolu, bon jacobin, auquel Bernard s’était entièrement ouvert.
    Ce fut donc avec une certaine tranquillité d’esprit, et occupé seulement de la bataille, que, le 18, à six heures du matin, il quitta son logement : une vieille maison à pignon, près de

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