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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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position aussi violent que celui de Goidsenhoven. Bernard y reçut un coup de baïonnette dans le gras du bras gauche – décidément, ce bras ! Les Autrichiens perdirent l’effectif d’un bataillon. Le soir, un certain colonel Mack, officier de l’état-major ennemi, se présenta en parlementaire. Conduit au quartier général, il témoigna beaucoup de considération au général en chef et à ses lieutenants, parla fort courtoisement de la belle retraite exécutée le matin du 19, puis il proposa de renoncer des deux côtés aux rencontres sanglantes, pareilles à celle de ce jour, où l’on sacrifiait des hommes sans résultats stratégiques. Il offrait en somme de suivre l’armée comme celle-ci avait suivi l’armée prussienne se retirant de la Champagne. Dumouriez s’y accorda.
    Dès lors, les hostilités se limitèrent aux escarmouches. Elles suffirent à faire se débander plusieurs corps de recrues. Minée par la désertion et par le dégoût d’une campagne sans espoir, la troupe se décomposait. Il fallut quitter Louvain. Excédé par l’insubordination des volontaires, Dumouriez, les abandonnant à eux-mêmes, les sépara des régiments de ligne pour constituer avec ceux-ci et l’artillerie une masse de quinze mille hommes. Il les forma en arrière-garde et la commanda lui-même. C’était évidemment son armée de prétoriens. Mais il ne semblait pas savoir au juste à quoi il voulait l’employer. Tantôt, dans des accès de violente humeur contre les Jacobins qu’il rendait responsables de ses revers par la désorganisation des troupes, il cachait à peine son intention de marcher sur Paris ; tantôt il parlait de s’accrocher aux places fortes et de combattre à outrance les coalisés. Il avait envoyé au général Harville l’ordre d’occuper la citadelle de Namur et de s’y maintenir. Il expédia le général Ruaut à Anvers, pour rassembler les vingt mille hommes de l’expédition de Hollande et occuper avec de solides garnisons Bréda, Gertruydenberg. Ainsi, en tenant également Mons, Tournai, Courtrai, on formerait dans le sud-ouest de la Belgique une sorte de vaste camp retranché, au milieu duquel on pourrait attendre que les renforts promis par Danton permissent de reprendre l’offensive. Dumouriez avait fait arrêter et envoyer à Paris Miranda pour y être jugé.
    Devant des alternances si contradictoires, grosses du pire ou du meilleur, Bernard n’osait prononcer une action qui risquerait de provoquer ce pire. Au demeurant, il avait peu de moyens. Il ne comptait guère que sur le bataillon Boiledieu et quelques autres volontaires de 91. Pour s’opposer à quinze mille soldats de métier, aux vieux régiments de la cavalerie royale, à toute l’artillerie, c’était dérisoire.
    Le 25 on évacua Bruxelles. Le 27 l’armée campait autour d’Ath, à moins d’une demi-lieue des Autrichiens qui ne combattaient plus. Ils se contentaient de suivre. Le colonel Mack venait au camp où Dumouriez le recevait avec le jeune Égalité, Valence, le colonel Montjoie : autre orléaniste. Le second fils Égalité, leur sœur et la citoyenne Sillery-Genlis, ex-maîtresse de leur père, étaient ici avec quelques autres personnes non moins suspectes. Tout le clan bougeait. Assurément, il se tramait, avec la complicité de l’Autriche, et peut-être la bénédiction de Danton, quelque chose qui n’était point le salut de la République.
    Le 28 au soir, Bernard venait de regagner son logement chez des particuliers, près du pont de la Dendre, lorsqu’il reçut la visite de trois mystérieux personnages. Ils lui remirent un mot de Claude lui recommandant, au nom de la Société, les trois « frères et amis » qui se présenteraient avec ce message. Ils montrèrent leur carte du club. Ils se nommaient Pereyra, Proly, Dubuisson. Ils dirent que, sous prétexte d’une mission dont le ministre des Affaires étrangères les avait chargés auprès de Dumouriez, ils étaient envoyés pour sonder ses intentions.
    « Il nous a reçus fort mal, hier, en présence du général Valence et des deux fils Égalité. Aujourd’hui nous avons pu avoir un entretien seuls avec lui. Il s’y est décelé entièrement, avec une morgue effrayante, nous déclarant qu’il se moquait de la Convention composée de deux cents brigands et de six cents imbéciles, que le tribunal révolutionnaire était une horreur et qu’il saurait bien l’empêcher. Il s’est emporté contre les volontaires, les a

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