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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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nous n’allons pas mettre notre suprême ressource dans un garçon qui n’a jamais encore conduit une armée, quand nous avons un Custine dont l’expérience date d’avant la guerre d’Amérique. Comme l’observe justement Delmas, il a toujours été victorieux. C’est un préjugé favorable, avoue-le.
    — Si vous appelez victoire ses ridicules démonstrations devant Francfort. Je n’ai aucune confiance en Custine, c’est un tranche-montagne. Du reste, nous n’avons pas besoin de grands stratèges, car les ennemis n’en ont pas. Il nous faut tout simplement des chefs capables d’inspirer confiance et courage à leurs troupes, de les tenir sous le feu, de les pousser en avant. Jourdan et Delmay y ont toujours réussi, au contraire de ces officiers d’ancien régime qui croient encore commander à des mercenaires. »
    Robert Lindet et Guyton-Morveau se fussent peut-être laissé convaincre, mais la prévention en faveur de Custine emporta l’avis du Comité. « C’est bon, dit Claude. Seulement prenez garde : s’il est battu, je vous accuserai, je vous en préviens. » Il demanda que Jourdan fût promu au grade de général, pour succéder à Bernard dans le commandement de sa brigade. Ce qui fut accordé aussitôt.
    Au cours des semaines suivantes, le tumulte devint quasi permanent dans la nouvelle salle de la Convention, tandis que la tension ne cessait de croître entre la droite et la Commune soutenue par la Montagne. La résistance des sections bourgeoises aux mesures décidées par la municipalité donnait aux Brissotins, qui conservaient la majorité, un espoir de mater enfin Paris et de lui ôter sa prépondérance.
    L’amazone de la liberté, Théroigne de Méricourt, adversaire résolue des Jacobins depuis qu’elle en avait été expulsée, ne se faisait pas faute de pousser à la révolte contre eux. Elle prenait avec fougue le parti de son grand ami Pétion et des girondistes. Un de ces jolis matins de printemps tiède, elle se tenait sur la terrasse des Feuillants, montant la tête à quelques jeunes bourgeois ou commis de boutique contre la Montagne lorsqu’un groupe de tape-dur l’entoura. Avec des bourrades, ils dispersèrent ses auditeurs, l’empoignèrent, et l’on revit un spectacle familier aux curieux qui cependant n’avaient pas eu, depuis plusieurs mois, l’occasion de l’apprécier : celui d’une femme troussée jusqu’à la taille, jupes par-dessus le chapeau, battant des jambes, le derrière exposé, la chair joufflue rosissant sous les claques. Seulement, quand les fesseurs relâchèrent Théroigne, la rage de l’humiliation l’avait rendue folle. Elle ne recouvra jamais la raison.
    L’intention de ses amis brissotins apparut peu après avec évidence, quand Guadet, réclamant une nouvelle fois la cassation des autorités anarchiques de la capitale, proposa de les remplacer par une assemblée des présidents de section. « Il faut en outre, ajouta-t-il, que nos suppléants se réunissent, à Bourges, prêts à exercer le pouvoir si une révolte de Paris mettait la Convention hors d’état d’agir. » Acclamations à droite, hurlements à gauche où l’on s’écriait que la conspiration était enfin découverte. « Les conjurés se dévoilent ! Ils avouent leur dessein contre l’unité de la république ! » Danton voulut s’élancer à la tribune, les Brissotins, en corps, le repoussèrent. Ils laissèrent cependant monter Barère. Avec sa souplesse insinuante, il détourna la majorité de voter ces deux motions dangereuses, selon lui. « Il y a, dit-il, un moyen de parer aux périls réels dont nous sommes entourés, sans nous jeter dans de trop grands inconvénients. Chargeons une commission de vérifier les actes de la Commune depuis un mois, de rechercher les complots tramés contre la représentation nationale, et munissons-la de tous les pouvoirs pour saisir les conspirateurs. » La droite accepta aussitôt, sûre de former elle-même cette commission. En effet, les douze membres nommés furent tous des Girondins ou des alliés à eux. Les plus marquants étaient Boyer-Fonfrède, Rabaut-Saint-Étienne, Kervelegan.
    Ils s’empressèrent de faire arrêter les meneurs de l’Évêché : Hébert, Varlet, ainsi que Dobsen, juge au Tribunal révolutionnaire, président de la section de la Cité. Il avait refusé de communiquer aux Douze ses registres. Outrée de voir son syndic adjoint, Hébert, enfermé à l’Abbaye, la Commune envoya une

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