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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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trompettes entrait librement avec la fumée et la poussière, remplissait les pièces où l’on ne s’entendait plus, d’autant que, derrière, sur la place Dauphine, il y avait une autre estrade, encore plus grande, une autre affluence, d’autres tambours, d’autres fanfares, d’autres chants. Dubon s’était réfugié au comité de sa section. Gabrielle et sa fille attendaient impatiemment Claude et Lise pour sortir de là. Ils passèrent prendre les Desmoulins afin de chercher avec eux un peu de calme au Luxembourg ; mais Camille et Lucile étaient allés à l’Isle-Adam, voir leur fils. Sur la place du Théâtre-Français, sur la place Saint-Michel en bordure du jardin, s’élevaient également estrades et tentes. Tout Paris résonnait d’une rumeur guerrière, les échos du canon se répercutaient dans tous les quartiers, partout on respirait l’odeur poivrée de la poudre.
    En quittant le Luxembourg, on monta chez les Roland qui logeaient maintenant tout près, rue de La Harpe. Brissot et sa femme s’y trouvaient, avec le beau Barbaroux et un autre Marseillais : un certain Rebecqui, administrateur des Bouches-du-Rhône, venu à Paris avec son compatriote. Des cartes militaires couvraient la table. Brissot dit que la Cour voulait une émeute. « Elle cherche un prétexte pour l’éloignement du Roi.
    — C’est bien évident, acquiesça Claude. Elle continue de recruter, nous sommes bien placés pour le savoir. Chaque soir, on voit entrer par la rue des Orties des hommes en vêtements civils mais avec une allure militaire, sans doute d’anciens gardes du corps comme-celui qui a été noyé l’autre jour, ou d’anciens officiers, appelés, les uns et les autres, de province. Tous les hôtels du Carrousel, presque vides depuis le décret de Guadet, s’en sont remplis. Il y a là au moins cinq ou six cents chevaliers du poignard. Ils vont certainement chercher les ordres pour le complot. En outre, on a ouvert, à côté de chez nous, un club d’ouvriers et de boutiquiers royalistes : des fournisseurs du Château, des gens qui vivent de la liste civile. Cela s’appelle le Club français.
    — La liberté est perdue si nous laissons du temps au pouvoir exécutif », dit M me  Roland. Son mari ajouta : « La Fayette est encore une fois à Paris. Sa présence dictatoriale révèle le secret des trahisons qu’il médite à l’armée du Nord. Quant à celle du Centre, elle n’a ni comité, ni dévouement, ni général. Dans six semaines, les Allemands seront ici.
    — Cela se peut, et je le redoute. Il est bien certain que le bel élan d’aujourd’hui ne nous sauvera pas. Ses résultats ne se feront point sentir avant des mois. Cependant, poursuivit Claude en songeant à Bernard, à Jourdan, nous avons cent mille volontaires qui, depuis octobre dernier, sont devenus de vrais soldats, entraînés, encadrés par des vétérans de la garde nationale, aguerris enfin par un rude hiver.
    — Ils n’ont jamais combattu, ils n’ont pas de généraux.
    — Il ne manque point parmi eux d’hommes bien plus capables que Luckner de les conduire à la victoire. Ils n’ont pas vu de bataille, c’est vrai. Tiendront-ils sous le feu ? Voilà toute la question. Pour ma part, j’ai confiance, comme Danton. L’intérieur m’inquiète davantage. L’essence du péril est là, je l’ai dit, avec Robespierre et Billaud-Varenne, il y a plus de six mois, et cela n’a pas cessé de se confirmer. Si nous réprimons la Cour, si nous jugulons ceux qui préparent les chemins à l’invasion, les Prussiens et les Autrichiens ne verront point Paris de sitôt.
    — Eh bé ! voilà qui est parler en homme ! dit Rebecqui avè son assent. Pour les trames de la Cour, faites-nous confiance, à nous autres. Après ça, nous irons rejoindre les premiers volontaires pour les débarrasser des généraux traîtres ou incapables. »
    Barbaroux, M me  Roland se penchaient côte à côte sur les cartes, cherchant les lignes de résistance, les obstacles naturels qui pourraient retenir l’ennemi, les emplacements d’éventuels camps de renfort. Elle avait trente-huit ans, il en avait vingt-cinq. Leurs chevelures à tous deux, noires et libres, se mêlaient.
    En sortant, Claudine dit : « Oncle Claude a raison, je suis bien sûre que le capitaine Delmay et ses soldats ne laisseront pas les Allemands venir chez nous. »
    Le vendredi suivant, il y eut un souper jacobin chez Pétion, à la mairie, quai des

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