Les Aventures de Nigel
il aurait eu à se plaindre. Mais une larme brilla dans les yeux de la dame Nelly quand elle fit l’énumération de toutes les améliorations qu’elle avait faites dans l’appartement, pour le rendre plus commode à Sa Seigneurie.
– Il y avait une grande caisse, dit-elle, qu’elle avait fait porter dans la petite chambre que le garçon de boutique occupait au grenier, quoiqu’il ne lui restât que dix-huit pouces de terrain pour gagner son lit ; et Dieu savait, – car elle n’en savait rien, – s’il serait possible de la redescendre par un escalier si étroit. Ensuite, elle avait fait changer le cabinet en alcôve, ce qui lui avait coûté vingt bons shillings ; et bien certainement le cabinet eût été plus commode pour tout autre locataire que pour Sa Seigneurie. Elle avait aussi acheté du linge tout exprès pour lui. Mais enfin il fallait que la volonté du ciel s’accomplît. Elle ne manquait pas de résignation.
Il n’est personne qui ne soit flatté de recevoir des marques d’attachement personnel, et le cœur de Nigel lui faisait réellement quelques reproches, comme si l’amélioration qu’il avait lieu d’espérer dans sa fortune lui faisait déjà dédaigner l’humble toit qui l’avait couvert dans des temps moins heureux, les soins de ses pauvres amis et les services qu’il en recevait naguère comme autant de faveurs. Il ne manqua pas d’alléger les regrets de ses hôtes par des assurances d’amitié et par un paiement aussi libéral qu’il put le faire accepter ; un baiser donné sur les jolies lèvres de dame Nelly scella son pardon à l’instant de son départ.
Richie Moniplies resta un instant après son maître, pour demander à John Christie si, en cas de besoin, il ne pourrait faciliter à un brave Écossais les moyens de retourner en son pays. John lui ayant répondu affirmativement : – En ce cas, lui dit-il en partant, je vous rappellerai bientôt cette promesse ; car si mon maître n’est pas fatigué de cette vie de Londres, je connais quelqu’un qui en est tout-à-fait las ; ce quelqu’un c’est moi. Je suis déterminé à revoir Arthur’s Seat {74} avant d’être plus vieux d’une semaine.
CHAPITRE XIV.
« Bingo ! Bingo ! viens donc ! ici, monsieur, ici !
« – Mais je l’appelle en vain, il est déjà parti.
« Il prétend au logis rentrer avant son maître ;
« C’est le plus entêté des chiens nés comme à naître.
« Il m’aime cependant, j’en suis sûr, et jamais
« Mendiant n’aima mieux les dons qui lui sont faits.
« Mais quand Bingo se met quelque caprice en tête,
« Il faut qu’il se le passe, il n’est rien qui l’arrête.
« On fixerait plutôt la maîtresse d’un grand. »
Le Magister et son chien.
Richie Moniplies fut fidèle à sa parole. Deux ou trois jours après que son jeune maître se fut installé dans son nouvel appartement, il parut devant Nigel à l’instant où celui-ci allait s’habiller, s’étant levé beaucoup plus tard qu’il n’avait naguère coutume de le faire.
Lord Glenvarloch, en jetant les yeux sur son domestique, reconnut qu’indépendamment de l’air solennel qu’avait toujours sa physionomie, il s’y trouvait une expression qui annonçait un nouveau degré d’importance qu’il voulait prendre, ou un mécontentement extraordinaire, peut-être même l’un et l’autre.
– Hé bien, Richie, lui dit-il, qu’avez-vous donc ce matin ? pourquoi votre figure ressemble-t-elle à celles de ces statues grossières qui sont sur ces gouttières ? Et il lui montrait du doigt le haut de l’église gothique du Temple, qu’on apercevait de la fenêtre.
Richie tourna la tête à droite, mais avec la même lenteur et les mêmes précautions que s’il eût eu un torticolis ; et reprenant sa première posture : – Qu’importe ? dit-il ; ce n’est pas de pareilles choses que j’ai à vous parler.
– Et de quoi donc avez-vous à me parler ? lui demanda son maître, que les circonstances avaient habitué à souffrir la familiarité de son valet.
– Milord… répondit Richie, et il s’arrêta pour tousser, comme si ce qu’il avait à dire s’arrêtait à sa gorge.
– Je devine le mystère, Richie, dit Nigel ; vous voudriez quelque argent. Hé bien, cinq pièces d’or vous suffiront-elles en ce moment ?
– Il est probable que j’aurai besoin d’un peu d’argent, milord ; je suis ravi et en même temps fâché qu’il soit moins rare
Weitere Kostenlose Bücher