Les Aventures de Nigel
ceux que je possède, et je les emploierai tous pour vous servir. – Ne soyez ni surpris ni offensé, mon cher Nigel, si vous me voyez maintenant moins fréquemment que de coutume. La saison de la chasse au cerf vient de commencer, et le prince exige que je le suive plus fréquemment. Il faut aussi que je redouble d’assiduité auprès du duc, afin de pouvoir plaider votre cause quand l’occasion s’en présente.
– Je n’ai pas de cause à plaider auprès du duc, répondit Nigel d’un ton grave ; je vous l’ai déjà dit bien souvent.
– Ce que je veux dire, esprit soupçonneux et entêté, répliqua Dalgarno, c’est que je plaiderai votre cause devant lui comme je plaide maintenant la sienne devant vous. Je ne demande qu’une part dans la bénédiction favorite du roi notre maître : beati pacifici {73} !
Maintes fois les conversations de lord Glenvarloch, tant avec le vieux comte qu’avec son fils, prirent la même tournure, et se terminèrent de même. Il lui sembla quelquefois que le crédit de l’un et de l’autre, pour ne rien dire de l’influence invisible et secrète, mais non moins certaine, de lady Blackchester, aurait pu accélérer un peu la marche d’une affaire aussi simple que la sienne. Mais il était impossible de douter de l’honneur et de la franchise du père, de l’amitié ardente et officieuse du fils ; et il n’était pas aisé de supposer que la protection d’une dame qui le recevait avec tant de distinction pût lui manquer si elle pouvait lui devenir utile.
Nigel sentait d’ailleurs la vérité de ce que lord Dalgarno lui avait dit plus d’une fois, que, le favori étant supposé son ennemi, le plus mince commis par les mains duquel son affaire devait nécessairement passer voudrait se faire un mérite de multiplier des obstacles qu’il ne pouvait surmonter que par la patience et la fermeté, à moins qu’il ne voulût fermer la brèche, comme le disait lord Dalgarno, en faisant sa paix, avec le duc de Buckingham.
Nigel, en cette occasion, aurait pu avoir recours aux avis de son ami George Heriot ; et il n’aurait sans doute pas manqué de le consulter, s’en étant déjà si bien trouvé. Mais la seule fois qu’il le vit, depuis leur visite à la cour, il trouva le digne citadin faisant à la hâte ses préparatifs pour un voyage de Paris, où il devait se rendre, par commission spéciale de la cour et du duc de Buckingham, pour affaire très-importante concernant sa profession, et qui paraissait devoir lui rapporter de grands bénéfices. Le brave homme sourit en nommant le duc de Buckingham. Il avait été à peu près sûr, dit-il, que sa disgrâce de ce côté ne serait pas de longue durée.
Lord Glenvarloch lui témoigna sa joie de cette réconciliation, ajoutant que rien ne lui avait été plus pénible que de penser que l’intérêt que lui témoignait maître Heriot aurait pu faire encourir au digne orfèvre le mécontentement d’un favori puissant, et l’exposer même à en recevoir de mauvais offices.
– Milord, répondit Heriot, je ferais bien des choses pour le fils de votre père ; et cependant, si je me connais bien, je ferais, certes, par amour de la justice, pour un homme qui m’inspirerait bien moins d’intérêt, tout ce que je me suis hasardé à faire pour vous. Mais, comme nous ne nous reverrons pas d’ici à quelque temps, il faut que je vous confie à votre propre prudence pour la suite de cette affaire.
Ils se séparèrent avec toutes les marques d’une affection réciproque.
Il s’était aussi opéré dans la situation de lord Glenvarloch d’autres changemens dont il convient que nous disions quelques mots. Ses occupations actuelles et les habitudes d’amusement qu’il avait contractées lui rendaient incommode son logement, situé loin dans la Cité. Peut-être aussi commençait-il à rougir un peu de l’humble appartement d’une rue obscure sur le quai de Saint-Paul, et désirait-il se loger d’une manière un peu plus convenable à son rang. En conséquence il avait loué un petit appartement garni près du Temple. Il en fut pourtant presque fâché quand il vit que son départ semblait faire quelque peine à John Christie, et en causait beaucoup à sa bonne et officieuse hôtesse. Le mari, qui était d’un caractère grave et taciturne, se borna à dire qu’il espérait que tout avait été chez lui au gré de lord Glenvarloch, et qu’il ne les quittait point par suite de quelque négligence dont
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