Les Aventures de Nigel
embarrassans pour ceux qui en sont l’objet, salua légèrement sir Mungo en portant la main à son chapeau, et continua sa promenade.
– C’est comme je le soupçonnais, milord, dit sir Mungo lorsqu’il eut rejoint lord Glenvarloch, en cherchant à donner à ses traits une expression de mélancolie et de compassion semblable à la grimace d’un singe qui vient de mettre dans sa bouche un marron trop chaud ; – vous avez de froids amis, milord, c’est-à-dire des amis qui ne sont pas des amis ; – ou, pour parler plus clairement, vous avez des ennemis auprès de la personne du prince.
– Je suis fâché de l’apprendre, répondit Nigel, mais je voudrais savoir de quoi ils m’accusent.
– Vous allez entendre, milord, les propres paroles du prince : – Sir Mungo, m’a-t-il dit, je suis bien aise de vous voir, et charmé que vos douleurs de rhumatisme vous permettent de prendre de l’exercice dans le parc. – J’ai salué, comme c’était mon devoir ; et il faut que vous le remarquiez, milord, parce que cela fut le premier point de notre conversation. Le prince m’a demandé alors si la personne avec laquelle je me trouvais était le jeune lord Glenvarloch. – Oui, répondis-je, prêt à servir Votre Altesse ; et ce fut le second point. Le prince m’a dit ensuite qu’on le lui avait dit, – voulant dire qu’on lui avait dit que c’était vous, – mais qu’il ne pouvait pas croire que l’héritier de cette noble maison pût mener une vie oisive, scandaleuse et précaire, dans les tavernes et les cabarets de Londres, tandis que les tambours du roi battaient, et que ses drapeaux étaient déployés en Allemagne pour soutenir la cause de l’électeur palatin, son gendre. Votre Seigneurie pense bien que je n’ai pu que saluer une seconde fois ; et un gracieux – Bonjour, sir Mungo Malagrowther, – m’a permis de venir vous retrouver. Et maintenant, milord, si votre plaisir ou vos affaires vous appellent à l’Ordinaire Beaujeu, ou ailleurs, dans la Cité, vous pouvez y aller ; car vous penserez sans doute que vous êtes resté assez long-temps dans le parc. Le prince ira probablement jusqu’au bout de l’allée, et reviendra ensuite sur ses pas ; or vous concevez que tout ce que vous venez d’entendre est un avis que vous ne devez pas vous presser de vous montrer de nouveau aux yeux de Son Altesse.
– Vous pouvez rester, ou vous en aller, comme il vous plaira, sir Mungo, répondit Nigel avec une expression de ressentiment calme, mais profond ; quant à moi, ma résolution est prise ; je ne quitterai cette promenade publique pour le bon plaisir de qui que ce soit ; et je la quitterai encore moins en homme indigne de se montrer. J’espère que le prince et son cortège repasseront par ici, comme vous le croyez ; je les attendrai, sir Mungo, et je les braverai.
– Vous les braverez ! s’écria sir Mungo au comble de la surprise ; braver le prince de Galles ! l’héritier présomptif de la couronne ! – Sur mon ame ! vous le braverez tout seul.
Il avait déjà fait quelques pas pour s’éloigner de Nigel, quand un mouvement d’intérêt peu commun en lui, et que lui inspirait un jeune homme sans expérience, adoucit un moment son cynisme habituel.
– Vieux fou que je suis ! pensa-t-il, ai-je donc le diable au corps ? Moi qui dois si peu à la fortune et à mes semblables, qu’ai-je besoin de m’intéresser à cet étourdi que je garantis aussi entêté qu’un marcassin possédé du diable ? car c’est un esprit de famille. – Il faut pourtant que je lui donne un bon avis.
Et retournant à lui : – Mon cher petit lord Glenvarloch, lui dit-il, écoutez-moi bien. Il ne s’agit pas ici d’un jeu d’enfant. Le prince ayant prononcé les expressions que je vous ai rapportées, elles sont équivalentes à un ordre de ne pas reparaître en sa présence. Suivez donc le conseil d’un vieillard qui vous veut du bien, qui vous en désire peut-être plus qu’il n’a raison d’en désirer à personne. Continuez votre chemin, et laissez passer le vautour, comme un bon enfant. Rentrez chez vous : que vos pieds ne vous conduisent plus dans les tavernes ; que vos doigts ne touchent plus les dés ; chargez quelqu’un qui soit plus en faveur que vous à la cour d’arranger tranquillement vos affaires, et vous aurez une bonne somme ronde d’argent pour aller pousser votre fortune en Allemagne, ou ailleurs. Ce fut un soldat de fortune qui fut le
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