Les Aventures de Nigel
histoire ainsi que nous l’avons fait connaître au lecteur. Après ces témoignages directs, Hildebrod examina les lieux ; il trouva que les meurtriers étaient entrés par la fenêtre, dont l’un d’eux avait profité pour s’échapper : cependant il lui parut étonnant qu’ils eussent passé par là, cette fenêtre étant garnie de fortes barres de fer, que le vieux Trapbois était dans l’habitude de fermer de ses propres mains à l’entrée de la nuit. Hildebrod constata avec beaucoup de soin l’état de l’appartement, et examina avec attention les traits du voleur mort : il était habillé comme un matelot de la dernière classe ; mais personne de ceux qui étaient présens ne reconnut sa figure. Hildebrod envoya chercher ensuite un chirurgien de l’Alsace, qui ayant perdu par ses vices toute la réputation que sa science lui avait attirée, avait fini par être réduit à exercer son métier dans ce pauvre quartier. Il lui fit examiner les corps morts, et dressa un rapport de la manière dont ces deux malheureux paraissaient avoir été tués. La circonstance de l’écharpe n’échappa point à l’habile juge ; et ayant écouté tout ce qu’on pouvait apprendre ou conjecturer sur ce sujet, et recueilli toutes les particularités qui paraissaient avoir rapport à ce sanglant événement, il fit fermer la porte de l’appartement jusqu’au lendemain matin, et conduisant la malheureuse fille du mort dans la cuisine, où il n’y avait d’autre personne présente que lord Glenvarloch, il lui demanda d’un ton grave si elle ne soupçonnait personne en particulier d’avoir commis ce meurtre.
– Et vous, ne soupçonnez-vous personne ? répondit Marthe en le regardant fixement.
– Peut-être, madame ; mais mon devoir est de vous interroger ; le vôtre est de me répondre : telle est la règle établie.
– Eh bien ! je soupçonne celui qui portait cette écharpe ; ne savez-vous pas qui je veux dire ?
– Si vous en appelez à mon témoignage, je dois dire que j’en ai vu une pareille au capitaine, et il n’était pas homme à changer souvent de vêtemens.
– Envoyez donc vos gens, et faites-le saisir.
– Si c’est lui, il sera déjà bien loin, mais j’en donnerai connaissance aux autorités supérieures.
– Vous voulez le laisser échapper, répondit Marthe en fixant sur lui un regard sombre.
– De par tous les diables ! répondit Hildebrod, si cela dépendait de moi, ce coupe-jarret serait pendu. Donnez-moi le temps ; il a des amis parmi nous, vous le savez bien, et tous ceux qui pourraient m’assister sont aussi ivres que des ménétriers.
– Je serai vengée ; – oui, je le serai, répéta Marthe, et prenez garde de vous jouer de moi.
– Me jouer de vous ? je préférerais me jouer d’une ourse au moment où l’on vient de la démuseler. Je vous le dis, madame, ayez seulement de la patience, nous aurons le coupable. Je connais tous ses repaires ; il ne pourra s’en absenter longtemps, et là j’aurai des pièges tendus pour lui. Vous ne pouvez manquer d’obtenir justice, madame, car vous avez tous les moyens de vous la faire rendre.
– Ceux qui me serviront dans ma vengeance, dit Marthe, auront part à cet argent dont vous voulez parler.
– C’en est assez, répondit Hildebrod, et maintenant je voudrais que vous fussiez dans ma maison pour y prendre quelque chose. Ce lieu-ci ne peut qu’être triste pour vous.
– J’enverrai chercher la vieille femme de ménage, répondit Marthe, et nous aurons en outre l’étranger.
– Hum ! hum ! l’étranger ! dit Hildebrod à Nigel, qu’il tira à part ; je crois que le capitaine a fait la fortune de l’étranger, lorsqu’il croyait donner un si vigoureux coup de main à la sienne. Je dois dire à Votre Honneur, – pour ne pas dire à Votre Seigneurie, que quelques mots que j’ai laissé échapper devant le coquin, relativement à ce que je vous disais, lui auront, je crois, fait risquer sa vie à ce jeu périlleux. Tant mieux pour vous ; – vous aurez la cassette sans le beau-père ; – vous observerez nos conditions, j’espère.
– Je voudrais que vous n’eussiez rien dit à personne d’un projet si absurde, répondit Nigel.
– Absurde ! pourquoi ? Pensez-vous qu’elle ne voudra pas de vous ? Prenez-la les larmes à l’œil, mon ami ; prenez-la les larmes à l’œil. Donnez-moi de vos nouvelles demain ; bonne nuit, bonne nuit. – Un signe de tête vaut
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