Les Aventures de Nigel
elle s’ouvrira et vous laissera voir une serrure que cette clef ouvrira ; vous soulèverez alors une trappe cachée, et dans la cavité du plancher vous découvrirez un petit coffre. Apportez-le ici, il nous accompagnera dans notre voyage, et il faudra que nous soyons bien malheureux si ce qu’il contient ne suffit pas pour m’acheter un asile.
– Mais la porte qui communique avec la cuisine vient d’être fermée, dit Nigel.
– Il est vrai, je l’avais oublié ; sans doute ils avaient leurs raisons pour cela ; mais le secret passage qui conduit à votre appartement est ouvert, et vous pourrez aller par là.
Lord Glenvarloch prit la clef, et comme il allumait une lampe pour guider ses pas, elle lut dans ses traits quelque répugnance. – Vous craignez, dit-elle ; – il n’y a pas de motif pour craindre. Le meurtrier et sa victime sont tous deux en repos. Prenez courage, j’irai moi-même avec vous ; vous ne connaissez pas le secret du ressort, et le coffre serait trop pesant pour vous.
– Non, non, je ne crains rien, répondit lord Glenvarloch, honteux de l’interprétation qu’elle donnait à cette hésitation d’un moment, née de sa répugnance à jeter les yeux sur un spectacle horrible, répugnance qu’éprouvent souvent ces cœurs courageux qui sont les derniers à craindre un danger véritable. J’exécuterai vos ordres comme vous le désirez. – Mais pour vous, vous ne devez pas, – vous ne pouvez pas y aller.
– Je le puis, – je le veux, dit-elle. Je suis maîtresse de moi, vous allez le voir. – Elle prit sur la table un ouvrage à l’aiguille non encore terminé, et d’une main ferme et sûre elle passa un fil de soie dans le trou d’une aiguille fine. – Aurais-je pu faire cela, dit-elle avec un sourire plus horrible encore que le regard fixe de son désespoir, si mon cœur et ma main n’eussent été également tranquilles ?
Elle monta rapidement jusqu’à la chambre de Nigel, et traversa le passage secret avec la même précipitation, comme si elle eût craint que sa résolution ne l’abandonnât avant que son projet fût exécuté. Au haut de l’escalier, elle hésita un moment avant d’entrer dans l’appartement fatal, puis avança d’un pas rapide dans la chambre à coucher, suivie par lord Glenvarloch, dont la répugnance à approcher de ce lieu de carnage était étouffée par l’inquiétude que lui inspirait celle qui avait survécu à cette sanglante tragédie.
La première action de Marthe fut d’ouvrir les rideaux du lit de son père. Ses couvertures étaient en désordre, suite de sa précipitation à se lever pour s’opposer à l’entrée des assassins dans l’appartement voisin. Le dur matelas offrait à peine un léger enfoncement dans l’endroit où le corps exténué du vieil avare s’était reposé. Sa fille s’agenouilla près de son lit, joignit les mains, et adressa au ciel une prière courte et affectueuse pour lui demander du secours dans son affliction, et la punition des meurtriers qui lui avaient enlevé son père. Une prière plus courte encore , et prononcée à voix basse, recommanda au ciel l’ame du défunt, et demanda pardon pour tous ses péchés, au nom de la grande expiation du Christ.
Après l’accomplissement de ce devoir pieux, elle fit signe à Nigel de lui prêter secours, et ayant dérangé le pesant bois de lit, ils virent la plaque de cuivre que Marthe avait décrite. Elle pressa le ressort, et la plaque s’ouvrant laissa voir la serrure ; un large anneau de fer servait à lever la trappe sous laquelle se trouvait le coffre-fort ou petite caisse dont elle avait parlé, et qui parut si pesant, que Nigel, tout vigoureux qu’il était, aurait à peine pu le soulever sans aide. Ayant replacé toutes choses comme ils les avaient trouvées, Nigel, que Marthe assista comme elle le put, se chargea de ce fardeau, et se hâta de le porter dans l’appartement voisin, où était étendu le maître de ce trésor, insensible à un bruit et à un événement qui l’auraient sans doute réveillé si quelque chose eût pu troubler son dernier sommeil.
Sa malheureuse fille s’approcha de son corps, et eut le courage d’ôter le drap dont on l’avait couvert. Elle mit sa main sur son cœur, mais il ne battait plus ; elle approcha une plume de duvet de ses lèvres ; mais elles étaient immobiles ; puis elle baisa avec un profond respect les veines gonflées de son front pâle, et ses mains
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