Les Aventures de Nigel
l’emprisonnement s’attachent à mes pas, et enveloppent tout ce qui m’entoure. Mais l’histoire de cet enfant a quelque chose d’étrange. – Vous dites que vous avez été interrogé, mon jeune ami ; permettez-moi de vous demander si vous avez dit votre nom, et la manière dont vous vous êtes introduit dans le parc ? Si vous l’aviez fait, sûrement on ne vous aurait pas mis en prison.
– Oh ! milord, répondit l’enfant, je ne me souciais pas de leur dire le nom de l’ami qui m’a fait entrer ; et, quant à mon père, je ne voudrais pas, pour toutes les richesses de Londres, qu’il sût où je suis maintenant.
– Mais vous ne vous attendez pas, reprit Nigel, à être remis en liberté avant qu’on sache qui vous êtes ?
– Quel bien cela leur fera-t-il de retenir un être aussi inutile que moi ? dit l’enfant ; ils devraient me laisser partir, ne fût-ce que par pudeur.
– Ne vous fiez pas à cela. – Dites-moi votre nom et votre position, j’en instruirai le lieutenant ; c’est un homme de bien et d’honneur, et non-seulement il sera disposé à vous faire rendre la liberté, mais je ne doute pas qu’il n’intercède même en votre faveur auprès de votre père. C’est presque une obligation pour moi de vous aider de tout mon pouvoir à sortir de cet embarras, puisque j’ai occasioné l’alarme à laquelle vous avez dû d’être arrêté ; ainsi, dites-moi votre nom et celui de votre père.
– Mon nom ! à vous ! oh ! jamais, jamais, répondit l’enfant d’une voix qui exprimait une profonde émotion, dont Nigel ne put pénétrer la cause.
– Avez-vous donc si peur de moi, jeune homme, parce que je suis ici accusé et prisonnier ? Songez qu’un homme peut être l’un et l’autre sans mériter ni le soupçon ni les fers. Pourquoi vous défier de moi ? vous paraissez être sans amis, et ma situation ressemble tant à la vôtre que je ne puis m’empêcher de compatir à votre sort quand je considère le mien. Réfléchissez ; je vous ai parlé avec bienveillance ; mon cœur est d’accord avec mes paroles.
– Oh ! je n’en doute pas, milord, dit l’enfant ; je n’en doute pas, et je veux vous dire tout… c’est-à-dire presque tout.
– Ne me dites, mon jeune ami, que ce qui peut m’aider à vous être utile.
– Vous êtes généreux, milord, et je suis certain… oh ! bien certain que je pourrais en toute sûreté me fier à votre honneur ; – mais cependant, ma position est si cruelle et si critique, – j’ai été si imprudent, si téméraire, – que je ne pourrai jamais vous raconter ma folie. Du reste, j’en ai déjà trop dit à quelqu’un dont je croyais avoir touché le cœur… et pourtant je me trouve ici.
– À qui avez-vous fait cette confidence.
– Je n’ose le dire, milord.
– Il y a quelque chose d’extraordinaire en vous, mon jeune ami, dit lord Glenvarloch en retirant avec une sorte de demi-violence la main dont l’enfant s’était de nouveau couvert les yeux. Ne vous attristez pas en vous appesantissant sur votre situation ; votre pouls est agité, et votre main brûlante ; étendez-vous sur ce grabat, et tâchez de dormir. C’est le remède le plus prompt et le plus efficace pour bannir les idées qui vous tourmentent.
– Je vous remercie de vos bons conseils, milord ; mais avec votre permission, je me reposerai quelque temps dans ce fauteuil, je suis mieux là que je ne serais sur le lit : je réfléchirai tranquillement à ce que j’ai fait et à ce qui me reste à faire ; et si Dieu m’envoie le sommeil dont j’ai si grand besoin, ce sera pour moi un doux bienfait.
À ces mots l’enfant retira sa main de celle de lord Nigel, et, s’entourant le corps et une partie du visage des larges plis de son manteau, il s’abandonna au sommeil et à ses réflexions, tandis que son compagnon, malgré les scènes fatigantes de la journée et de la veille, continuait à se promener en long et en large dans l’appartement, absorbé dans ses rêveries.
Tout lecteur a éprouvé par lui-même qu’il est des momens où, loin d’être maître de ce qui se passe hors de soi, l’homme est trop faible pour imposer un joug même à ses pensées. Nigel avait naturellement le désir de réfléchir avec calme sur sa situation, et d’adopter le plan qu’il lui convenait de suivre, comme homme de sens et de courage : cependant, en dépit de lui-même, et malgré l’état critique dans lequel il se
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