Les Aventures de Nigel
situation dans laquelle il se trouvait lui-même, par l’intérêt que lui inspirait le désespoir auquel un être si jeune et si beau paraissait en proie. Il s’assit à côté de l’enfant, et employa les termes les plus insinuans qu’il put trouver pour tâcher d’adoucir son chagrin ; et, par un mouvement que la différence d’âge rendait naturel, il passa avec bonté sa main sur les longs cheveux de l’enfant inconsolable. Le jeune homme parut presque embarrassé à cette légère marque de familiarité ; et cependant lord Glenvarloch s’aperçut de ce mouvement, qu’il attribua à la timidité, et s’assit de l’autre côté du foyer. L’enfant sembla alors à être plus à son aise, et écouter avec intérêt les raisonnemens que Nigel employait de temps en temps pour l’engager à modérer du moins la violence de son chagrin. Quoique ses larmes continuassent de couler avec abondance, elles paraissaient s’échapper de leur source avec plus de facilité ; ses sanglots étaient moins convulsifs, et se changeaient insensiblement en de légers soupirs, qui se succédaient l’un à l’autre sans que ce fût peut-être une preuve d’un chagrin moins vif, bien qu’ils fussent moins alarmans que ses premiers transports.
– Qui êtes-vous, mon gentil garçon ? dit Nigel. Considérez-moi, mon enfant, comme un compagnon qui a l’envie de vous obliger, pourvu que vous lui appreniez ce qu’il peut faire pour cela.
– Monsieur, – milord, je veux dire, répondit l’enfant avec timidité, et d’une voix qui pouvait à peine franchir la courte distance qui les séparait, vous êtes bien bon, – et moi, – je suis bien malheureux…
Un nouveau déluge de larmes interrompit ce qu’il allait dire, et lord Glenvarloch eut besoin de renouveler ses reproches et ses encouragemens bienveillans pour ramener l’enfant à une tranquillité d’esprit qui le rendît capable de s’exprimer d’une manière intelligible. Enfin, cependant, il put dire : Je suis sensible à votre bonté, milord… j’en suis reconnaissant… mais je suis bien malheureux ; et, ce qu’il y a de pire, c’est que je ne puis accuser que moi de mes malheurs.
– Mon jeune ami, dit Nigel, nous sommes rarement tout-à-fait malheureux sans en être nous-mêmes plus ou moins la cause. – Je puis le dire ; autrement je ne serais pas ici aujourd’hui. Mais vous êtes très-jeune, et vous ne pouvez pas être bien coupable.
– Ô monsieur ! j’en voudrais pouvoir dire autant… J’ai été volontaire et entêté… imprudent et mutin… et maintenant… maintenant, combien je le paie cher !
– Bah ! mon garçon, répliqua Nigel, ce doit être quelque boutade d’enfant, quelque escapade, quelque folie de jeunesse ; mais encore, comment cela a-t-il pu vous conduire à la Tour ? – Jeune homme, il y a en vous quelque chose de mystérieux qu’il faut que je pénètre.
– Vraiment, milord, je vous assure que je n’ai rien fait de mal, dit l’enfant ému par les derniers mots, qui l’alarmèrent tellement qu’il parut être sur le point de faire un aveu que n’avaient pu arracher de lui les prières et les argumens bienveillans employés d’abord par Nigel. – Je suis innocent ; c’est-à-dire j’ai eu tort, mais je n’ai rien fait pour mériter d’être enfermé dans ce vilain endroit.
– Dites-moi la vérité alors, reprit Nigel d’un ton à la fois impérieux et encourageant : vous n’avez rien à craindre de moi, et peu de chose à espérer, peut-être ; mais dans la position où je me trouve, je voudrais savoir à qui je parle.
– Avec un être malheureux, un enfant, monsieur, – Un enfant étourdi et inconsidéré, comme le disait Votre Seigneurie, répondit-il en levant les yeux et en montrant un visage sur lequel la pâleur et la rougeur se succédaient tour à tour, selon qu’il exprimait la crainte ou la honte. J’ai quitté la maison de mon père sans permission, pour voir le roi chasser dans le parc de Greenwich ; on a crié à la trahison, et fermé toutes les grilles. La peur m’a saisi, je me suis caché dans un bosquet ; j’ai été découvert et interrogé par des officiers des chasses ; ils ont dit que je n’avais pas bien répondu, et l’on m’a envoyé ici.
– Que je suis infortuné ! s’écria lord Glenvarloch en se levant et parcourant à grands pas l’appartement ; tout ce qui m’approche partage mon malheureux destin ! La mort et
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